rapport avec leur condition. Le pieux abbé terminait sa lettre en conseillant au roi de dépouiller les Juifs de tous leurs biens, afin que l’argent de ces maudits ait au moins un emploi utile, en servant à combattre les Sarrasins. Quoique favorablement disposé pour les Juifs, le roi Louis était obligé de laisser exécuter la bulle papale qui dispensait les croisés de s’acquitter de leurs dettes envers les Juifs. Mais, pour le moment, les Juifs de France n’eurent à supporter que des pertes d’argent. Grâce à la bienveillance du roi et de ses ministres, et à l’intervention énergique de l’abbé Suger et de saint Bernard, ils furent préservés de la fureur des croisés.
Il en fut autrement en Allemagne et principalement dans les communautés rhénanes, qui avaient déjà tant souffert de la première croisade. L’empereur Conrad III était sans grande autorité. et la bourgeoisie, qui avait défendu les Juifs tors de la première croisade, s’était tournée contre eux. Ce fut un moine français.
Rodolphe, échappé de son couvent sans l’autorisation de son supérieur, qui excita le fanatisme des Allemands centre les Juifs. Allant de ville en ville et de village en village, il prêcha partout l’extermination de ceux qu’il appelait les déicides. Les persécutions seraient, certes, devenues plus sanglantes encore que la première fois, si l’empereur Conrad n’avait accordé aux Juifs une protection efficace. Dans son propre domaine, il leur offrit un asile à Nuremberg et dans d’autres forteresses, et, dans les villes ou contrées sur lesquelles il n’avait pas de pouvoir direct, il demanda aux princes laïques et ecclésiastiques de les défendre. Il y eut cependant des victimes. Un homme de Trèves, Simon le pieux, qui séjournait à Cologne, fut saisi au moment même où il s’embarquait pour retourner dans sa ville, et, sur son refus de recevoir le baptême, il fut tué. À Spire, une femme, du nom de Minna, qui refusait également d’embrasser le christianisme, périt au milieu d’atroces tortures. Effrayés par ces meurtres, les Juifs des bords du Rhin achetaient aux princes, à prix d’argent, le droit de se réfugier dans leurs forteresses ou leurs châteaux. Le cardinal Arnold, de Cologne, leur donna le château fort de Wolkenburg, près de Kœnigswinter, ainsi que des armes pour se défendre. Tant qu’ils restaient enfermés dans le château, leur vie était en sûreté ; dès qu ils sortaient,