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Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/135

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à revenir sur son édit d’expulsion. Ce fut en vain. Les Juifs de Paris et des environs, établis sur ce territoire depuis des siècles, durent émigrer. Peu d’entre eux acceptèrent le baptême. Les synagogues furent transformées en églises.

Heureusement pour les Juifs, le domaine du roi, comme on l’a vu plus haut, n’était pas vaste, et les grands vassaux de Philippe-Auguste ne refusèrent pas seulement de se conformer à son édit, mais accueillirent même ceux qu’il avait expulsés. Si l’école talmudique de Paris disparut, en revanche celles de la Champagne continuèrent à fleurir.

Il est probable que les Juifs expulsés par Philippe-Auguste purent revenir peu de temps après en France, car nous voyons ce roi recommencer ses persécutions contre la population juive. À la suite d’un incident peu important, les Juifs de Bray durent choisir entre le baptême et la mort. Ils préférèrent la mort à l’apostasie. Beaucoup d’entre eux se tuèrent eux-mêmes. Philippe-Auguste en fit brûler plus de cent ; il n’épargna que les enfants âgés de moins de treize ans. Après cet exploit, il partit pour faire la guerre sainte en Syrie.

La prise de Jérusalem par Saladin avait produit dans la chrétienté une profonde et douloureuse émotion, de nouveaux croisés avaient essayé de reprendre la ville sainte au conquérant musulman ; leurs efforts étaient restés stériles. Malgré tout son héroïsme, Richard Cœur de Lion lui-même avait été contraint de conclure avec Saladin une paix honteuse : il n’avait pu obtenir que la faveur pour les pèlerins chrétiens de visiter, comme les musulmans, l’église du Saint-Sépulcre à Jérusalem. Une nouvelle croisade était devenue nécessaire. Sur l’ordre d’Innocent III, pape actif et énergique, le prédicateur Foulques de Neuilly parcourut les villes et les villages pour faire prendre la croix aux chrétiens. À l’exemple du moine Rodolphe, il prêcha le pillage des Juifs pour encourager les chrétiens à prendre part à la croisade. Surexcités par les discours enflammés de Foulques, bien des barons laissèrent piller les Juifs et les expulsèrent ensuite de leurs territoires. Contre toute attente, Philippe-Auguste accueillit les proscrits dans ses domaines et permit même à ceux qu’il avait expulsés lui-même de revenir sur son territoire (juillet 1198).