Comme le Guide était écrit en arabe, son influence s’étendit bien au delà des milieux juifs. Car, quoique Maïmonide l’eut seulement destiné à ses coreligionnaires et eût prescrit de le copier en caractères hébreux, pour qu’il restât inaccessible aux mahométans et n’occasionnât aucun ennui aux Juifs, il fut répandu parmi les Arabes encore du vivant de l’auteur. Un musulman y ajouta même une préface pour renforcer les arguments produits par Maïmonide en faveur de l’existence de Dieu. Ce fut aussi dans le Guide que les principaux créateurs de la scolastique chrétienne apprirent à résoudre les contradictions entre la foi et la philosophie.
Le système de Maïmonide présente cependant bien des points faibles. Imbu de la philosophie d’Aristote, telle qu’elle était connue de son temps, Maïmonide introduit dans le judaïsme des éléments étrangers et incompatibles avec cette religion. Au lieu du Dieu de la Révélation, qui veille sur l’humanité, sur Israël et sur chaque individu en particulier, il suppose un être métaphysique qui, dans sa froide sublimité et son isolement, ne se préoccupe nullement de ses créatures et possède à peine une personnalité et une volonté. Comme il ne voit pas dans la Révélation une communication faite par Dieu à son peuple, il est obligé de faire de Moïse un demi-dieu, bien au-dessus de l’humanité. Son idéal de l’homme mieux est placé à une telle hauteur que quelques penseurs d’élite peuvent seuls le réaliser. Selon lui, il ne suffit pas, pour plaire à Dieu, d’avoir des mœurs honnêtes et des sentiments religieux, il faut encore pouvoir s’élever à certaines conceptions philosophiques. Il y aura donc, d’après lui, peu d’âmes capables d’arriver à l’immortalité et d’attirer sur elles l’attention particulière de la Providence, et, par conséquent, le nombre des élus sera excessivement petit. Enfin, le désir de mettre d’accord certains versets de la Bible avec les principes de la philosophie aristotélicienne le contraint à fausser le sens des textes.
Beaucoup de ses contemporains, et même son élève favori Joseph Moghrebi, comprirent que son système ne concordait pas tout à fait avec le vrai judaïsme. Son opinion relative à la résurrection rendait surtout ce désaccord sensible. Maïmonide admettait la croyance à la résurrection, mais il n’en avait parlé qu’incidemment ;