Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/175

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l’Afrique, Mohammed Alnassir, convoqua les mahométans à une guerre sainte, pour abattre la puissance des chrétiens dans l’Espagne musulmane, et fit traverser la mer à près d’un demi million de ses coreligionnaires. À la vue du danger qui les menaçait, les rois chrétiens d’Espagne cessèrent leurs luttes pour s’unir contre l’ennemi commun. Ils firent également appel au pape Innocent III, pour qu’il leur vint en aide et fit prêcher une croisade contre les musulmans. Innocent III accéda à leur désir ; de nombreux guerriers européens se rendirent au delà des Pyrénées pour combattre le croissant, et, parmi eux, Arnaud-Amauri, l’abbé de Cîteaux, avec sa bande. Les ultramontains, comme on les appelait, par opposition aux soldats espagnols, s’étaient déjà distingués par leur fureur d’extermination dans leur lutte contre les Albigeois et les Juifs du midi de la France. Quand ils virent la situation relativement satisfaisante des Juifs espagnols ainsi que leurs richesses, leur instruction et l’estime dont ils jouissaient à la cour, leur haine contre tout ce qui n’était pas soumis à l’Église et au pape se réveilla avec une violence sanguinaire, et ils crurent qu’il y allait du salut de leur âme s’ils n’infligeaient pas aux Juifs d’Espagne le sort auquel ils avaient condamné les hérétiques de France. Ils se jetèrent donc sur les Juifs de Tolède (1212) et en tuèrent plusieurs ; ils auraient sans doute massacré toute la communauté, sans l’intervention du roi Alphonse, de Castille, et des chevaliers et bourgeois chrétiens de Tolède, qui prirent les Juifs sous leur protection.

Mais bientôt l’action de la papauté, si néfaste pour les Juifs, allait se faire sentir également en Espagne. Innocent III ne négligeait rien pour agrandir sa puissance et étendre son influence dans les divers pays chrétiens. Afin de donner plus d’autorité encore à ses actes et justifier les persécutions sanglantes qu’il avait ordonnées ou tolérées, il y associait l’Église tout entière. Ainsi, il convoqua un concile général à Rome pour étudier les mesures à prendre, en vue de nouvelles croisades, contre les musulmans de la Terre Sainte et de la Péninsule ibérique et contre les hérétiques du midi de la France. Les Juifs devaient également être l’objet des délibérations de cette assemblée œcuménique. Quand ils en furent informés, ils décidèrent, sur le conseil de Don Zag Benveniste, médecin