avaient été honorés et estimés. Quelques personnalités juives jouissaient encore, du reste, d’une assez grande influence aux cours de Tolède et de Saragosse, soit comme ambassadeurs auprès des souverains étrangers, soit comme ministres des finances (almoxarifs) ou comme médecins. Elles mirent tout en mouvement pour empêcher la mise à exécution de la décision du concile relative à la rouelle, et, de fait, elles réussirent en partie.
Honorius III, le successeur d’Innocent III, invita, en effet, les évêques et les légats à fermer les yeux si, dans certaines contrées, les Juifs ne portaient pas ce signe d’infamie. En Aragon, grâce aux démarches de Zag Benveniste, médecin du roi Jacques I et à l’intervention énergique du souverain, le pape dispensa toute la population juive de porter la rouelle (1220) en récompense, écrivit-il, des services rendus par Benveniste, qui s’était toujours abstenu de faire de l’usure et avait donné obligeamment ses soins à des catholiques.
Mais l’année même où il se montrait si tolérant dans la question de la rouelle, le pape Honorius III ordonna à Jacques Ier de ne plus confier de poste diplomatique à un Juif auprès d’une cour musulmane, sous prétexte qu’il était peu probable que des hommes qui repoussent la foi chrétienne pussent servir fidèlement des chrétiens. Il écrivit dans le même sens aux prélats de l’Espagne, les engageant à user de leur autorité auprès des rois d’Aragon, de Castille, de Léon et de Navarre, pour que nul Juif ne fût plus envoyé désormais comme ambassadeur à l’étranger. Comme si les fonctionnaires juifs n’avaient pas toujours servi leur pays avec une fidélité et un dévouement absolus !
Moins indulgent pour les Juifs d’Angleterre que pour ceux d’Espagne, le pape Honorius insista pour qu’on les contraignit avec la dernière rigueur à porter la rouelle. Du reste, depuis la mort de Jean sans Terre et pendant la minorité du roi Henri III, le vrai souverain était Étienne Langton, archevêque de Cantorbéry, ennemi implacable des Juifs. Au concile d’Oxford, il fit voter une série de mesures restrictives contre les Juifs, parce qu’ils se seraient rendus coupables d’un crime. Quel crime ? Il n’en dit rien. Peut-être leur reprochait-il la conversion au judaïsme d’un moine dominicain. Ce dernier fut naturellement brûlé. C’était l’argument