Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/181

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divinité, mais comme des états psychiques, des créations de l’imagination ou des rêves, d’avoir établi une théorie de l’immortalité de l’âme qui est en contradiction avec le judaïsme talmudique, de nier l’existence d’un paradis et d’un enfer, et d’admettre que les âmes pures se fondent et disparaissent dans le sein de l’Esprit suprême. On lui en voulait surtout d’avoir essayé de donner un fondement rationnel à toutes les prescriptions religieuses et de leur avoir ainsi enlevé leur caractère de permanence pour les changer en lois provisoires.

Ainsi donc, à côté des admirateurs passionnés de Maïmonide, qui considéraient ses travaux comme une seconde révélation, se forma un parti qui attaqua ses œuvres avec vivacité, notamment son Guide des égarés et la première partie de son code talmudique. Dès cet instant, les rabbins et les chefs des communautés juives d’Europe et d’Asie se divisèrent en maïmonistes et antimaïmonistes. Déjà, du vivant de Maïmonide, sa philosophie religieuse avait soulevé des objections, mais l’enthousiasme de ses admirateurs était alors tellement vif qu’on n’écoutait pas ses détracteurs. Un rabbin de Tolède, Meïr ben Todros Hallévi Aboulafia (mort en 1244), avait exposé, dans une lettre adressée aux sages de Lunel, les scrupules que le système de Maïmonide faisait naître dans son esprit. Ses critiques ne furent pas accueillies en Provence, où Ahron ben Meschoullam, de Lunel, défendit contre lui les idées du maître avec une grande science et une conviction ardente, mais elles rencontrèrent un terrain favorable dans le nord de la France. Là, les talmudistes, et à leur tète Simson de Sens, témoignaient d’une aussi profonde vénération pour le Talmud que pour la Bible, et ils n’admettaient pas qu’on pût l’interpréter à sa guise. Ils s’associaient donc pleinement aux attaques d’Aboulafia contre Maïmonide.

Dans le Midi, au contraire, et en Espagne, les doctrines de Maïmonide avaient excité l’admiration des savants les plus connus. On n’expliquait plus la Bible et le Talmud que d’après le système du Moré. Les orthodoxes s’efforçaient de faire disparaître, à force de commentaires, les contradictions qu’ils remarquaient entre le judaïsme talmudique et les idées de Maïmonide. Mais les esprits libéraux mettaient ces contradictions à profit pour émettre