Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/183

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Salomon de Montpellier et ses deux disciples, et invitèrent toutes les communautés du Midi à se joindre à eux dans leur lutte contre l’obscurantisme. À Montpellier même, la communauté se divisa en deux camps, les uns tenant pour leur rabbin, les autres le combattant et lui refusant obéissance. La lutte s’étendit dans toutes les communautés de Provence, de Catalogne, d’Aragon et de Castille, et elle prit un caractère de plus en plus violent.

Parmi les combattants, les plus connus étaient David Kimhi et Moïse Nahmani. Le premier, déjà âgé et très connu comme exégète et commentateur de la Bible, était un des plus fervents admirateurs de Maïmonide et partisan convaincu des droits de la pensée. Suspect aux obscurantistes, il avait été excommunié par les rabbins du nord de la France, principalement parce qu’il avait donné une interprétation philosophique de la vision du Char céleste d’Ézéchiel et déclaré que, dans ! es temps messianiques, les controverses talmudiques n’auraient plus aucune signification, c’est-à-dire que le Talmud n’avait qu’une importance temporaire. II soutenait donc les idées de Maïmonide avec une énergie d’autant plus tenace qu’il luttait en même temps pour sa propre cause. Quoique faible et âgé, il se rendit en Espagne pour soulever les communautés juives contre Salomon de Montpellier.

Son antagoniste le plus célèbre était le jeune Bonastruc de Porta, ou, comme on l’appelait dans les milieux juifs, Moïse Nahmani (né vers 1195 et mort vers 1270). Caractère énergique et bien trempé, il avait les défauts de ses qualités. Homme d’une piété sincère, d’une intelligence perspicace et d’une grande élévation de pensées, il était pénétré de ce sentiment qu’il y avait nécessité pour les croyants de se soumettre à une autorité religieuse. La sagesse des anciens lui paraissait d’une supériorité incontestable, et il était convaincu de la vérité de ce dicton que quiconque suit l’enseignement des anciens boit du vin vieux. Il croyait à l’autorité infaillible non seulement de la Bible, mais aussi du Talmud et des gaonim. Nahmani, comme on le nommait par abréviation, était médecin, il avait donc étudié les sciences naturelles ; il avait aussi d’autres connaissances profanes et était assez familiarisé avec la littérature philosophique. Mais, pour lui, le Talmud éclipsait, par son éclat, toute autre œuvre et représentait le passé et