Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/198

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aussi flatteuse. Son dialogue entre la Sagesse et la Richesse contient peu de tours et d’expressions poétiques, et son roman satirique L’ennemi des femmes ne vaut pas beaucoup plus.

Après la mort de ces trois versificateurs, la poésie néo-hébraïque n’eut plus de représentants vraiment sérieux pendant environ un siècle. La force créatrice paraissait épuisée parmi les poètes hébreux, et ceux qui savaient manier la langue hébraïque et avaient le désir de versifier imitaient simplement des productions antérieures. C’est ainsi qu’Abraham ben Hasdaï, de Barcelone, partisan convaincu du Guide des Égarés, remania en hébreu un dialogue arabe entre un homme d’esprit cultivé et d’habitudes mondaines et un pénitent, dialogue qu’il intitula le Prince et le Naziréen.

Un pauvre scribe, Berakya ben Natronai Nakdan (qui fleurissait vers 1230-1245), du sud de la France, essaya de remettre en honneur la composition des fables, si chère aux anciens Hébreux.

Mais comme il n’était pas capable d’inventer lui-même des dialogues entre les divers animaux, il imita en hébreu les œuvres d’anciens fabulistes. Parmi ses cent sept fables de Renard, il y en a très peu qu’il ait composées lui-même. En rééditant deux vieilles fables en langue hébraïque, Berakya voulut présenter un miroir à ceux de ses contemporains qui tournaient le dos à la vérité et offraient un sceptre d’or au mensonge, pour qu’ils pussent y contempler leurs défauts et leurs vices.

Dans le nord de l’Espagne, région où les Juifs eux-mêmes manifestaient leur prédilection pour la poésie arabe, un autre fabuliste, Isaac ibn Schoula, publia en 1244 ses Fables de l’antiquité (Maschal hakkadmoni) pour montrer que la Muse hébraïque n’était nullement inférieure à la Muse arabe. Mais il parle un langage ampoulé et s’étend beaucoup trop longuement dans ses considérations morales. Certes, ce ne sont pas ses productions qui prouvèrent que la poésie hébraïque pouvait rivaliser avec la poésie arabe. Il semble que les poètes juifs qui écrivaient en arabe avaient plus de talent, car les Arabes faisaient un très grand cas des chants d’amour du poète Abou Ishak Ibrahim ibn Sahal, de Séville, qui vivait vers 1211-1250, et en louaient la belle et douce harmonie. Cet auteur avait sans doute embrassé en apparence l’islamisme, dans le sud de l’Espagne, sous les Almohades.