Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/201

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savants, employa aussi des Juifs à ce travail. Il échangea des lettres avec un savant juif de Tolède, Juda ben Salomon Kohen ibn Malka, qu’il engagea vraisemblablement à venir en Italie, et il appela de la Provence à Naples un autre Juif, Jacob Anatoli, auquel il paya une pension annuelle afin de lui assurer les loisirs nécessaires pour traduire un certain nombre d’ouvrages arabes. Cet Anatoli était le gendre de Samuel ibn Tibbon, le traducteur des œuvres de Maïmonide. Ce fut sans doute sur l’ordre de Frédéric II, et avec l’aide d’un savant chrétien, qu’Anatoli ou un autre des protégés juifs de l’empereur traduisit en latin le Guide de Maïmonide, que le souverain allemand étudia avec un grand soin.

Avec des idées aussi larges, Frédéric II semblait devoir se montrer bienveillant pour les Juifs, d’autant plus que ses croyances religieuses étaient très tièdes. Car Grégoire IX, qui, il est vrai, était son ennemi, lui reprochait d’avoir déclaré que le monde avait été trompé par trois grands imposteurs, Moise, Jésus et Mahomet, dont deux étaient morts honorablement et le troisième avait péri sur la croix. Sa foi de chrétien ne devait donc pas être froissée de l’incrédulité des Juifs. Et cependant, il haïssait autant les Juifs que le pieux saint Louis. Quoique adversaire implacable de la papauté, qui lui suscitait partout des obstacles, il appliqua quand même dans ses États la bulle qui éloignait les Juifs de tout emploi public. Il alla même plus loin que les papes dans ses violences contre les Juifs, il parqua les habitants juifs de Palerme, sa capitale, dans un ghetto.

Dans les provinces autrichiennes, sous les princes de Babenberg, les Juifs étaient moins malheureux. Ainsi l’archiduc Frédéric Ier, surnommé le Belliqueux, confia la direction de ses finances à des Juifs et les nomma à d’autres fonctions publiques. Deux frères, Leblin et Nekelo, portaient même le titre de comtes du duc d’Autriche. Pour protéger ses sujets juifs contre les explosions de fanatisme de leurs ennemis, Frédéric le Belliqueux publia en leur faveur, en 1244, un Règlement où il s’était visiblement inspiré de principes de justice et d’humanité. D’après ce statut, un chrétien qui tue un Juif est mis à mort ; s’il le blesse gravement, on lui coupe la main ou on lui inflige une forte amende. Il n’était pas permis de condamner un Juif sur le seul témoignage de chrétiens ;