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CHAPITRE X


Progrès de la bigoterie et de la Cabale
(1270-1325)


Malgré les efforts énergiques de l’Église, et surtout des dominicains, pour faire appliquer le droit canon dans la Péninsule ibérique avec la même rigueur que dans les autres pays de l’Europe, les Juifs de cette contrée conservèrent, pendant quelque temps encore, leur supériorité sur leurs autres coreligionnaires et surent mériter l’estime et le respect des souverains et du peuple par les services qu’ils leur rendaient et par la culture de leur esprit. C’est qu’à cette époque l’activité intellectuelle continuait d’être intense parmi les Juifs d’Espagne, ils se passionnaient encore pour les études religieuses et combattaient avec ardeur pour les vérités du judaïsme. Ils avaient alors à leur tête un savant d’une rare vigueur d’esprit, qui fit de l’Espagne juive, pour deux siècles encore, le centre intellectuel du judaïsme tout entier. Ce rabbin était Salomon ben Adret, de Barcelone (1245-1310).

Esprit net et pénétrant, caractère ferme et droit, Ben Adret était d’une nature douce et bienveillante et d’une foi inébranlable. Le Talmud n’avait point de secret pour lui, il en connaissait tous les dédales et était familiarisé avec tous les commentaires des écoles française et espagnole. Grâce à son bon sens, il se tenait éloigné, dans son enseignement talmudique, des arguties et des subtilités, et il n’admettait pas à la lettre les singularités et les excentricités de certaines aggadot ; il essayait d’en donner des interprétations raisonnables. Élevé en Espagne, il possédait naturellement quelques connaissances profanes, il se montrait même partisan de la philosophie, mais seulement en tant qu’elle gardait une attitude modeste et restait l’humble servante de la religion.