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Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/223

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Quoique le Poignard de Raimond Martini ne fût pas bien effilé, il pouvait cependant devenir très dangereux. Car les chrétiens qui lisaient cet ouvrage ne savaient pas que le sens des passages talmudiques qu’ils y trouvaient était dénaturé, ils étaient surtout impressionnés par la vaste érudition que l’auteur y étale. Ben Adret craignait même que des Juifs fussent trompés par les raisonnements fallacieux de ce livre, et comme il avait des entretiens fréquents avec des polémistes chrétiens, et même avec Raimond Martini, et qu’il avait appris ainsi à connaître les principaux arguments qui pouvaient être produits contre le judaïsme et en faveur du christianisme, il publia un opuscule où il réfute ces arguments. Dans cet écrit polémique, son ton reste calme et modéré, on n’y trouve ni amertume ni passion.

Bientôt une question plus grave s’imposa à l’attention de Ben adret. La lutte entre les maïmonistes et les antimaïmonistes, entre la science et la foi, reprit, de son temps, avec une nouvelle ardeur, et le procès se compliqua cette fois de l’intervention des cabalistes. De nouveau on se demanda si les écrits de Maïmonide contenaient des hérésies ou non, s’il était permis de les étudier ou s’il fallait les condamner au feu. La question était résolue en Espagne et dans le sud de la France, où même les rabbins orthodoxes vénéraient la mémoire de Maïmonide et utilisaient ses idées pour l’affermissement des croyances religieuses. Mais le débat se rouvrit en Allemagne et en Italie et s’étendit jusqu’en Palestine. Jusqu’alors les Juifs d’Allemagne, enfermés dans le cercle étroit de l’étude du Talmud, étaient restés étrangers aux connaissances profanes. Les discussions qui avaient agité les esprits à Montpellier, à Saragosse et à Tolède n’étaient pas arrivées jusqu’à eux, et ils ignoraient totalement qu’outre son code religieux Maïmonide exit publié des écrits philosophiques. Ils allaient être troublés, à leur tour, dans la sécurité de leur foi, et appelés à prendre part à la lutte des maïmonistes et des antimaïmonistes.

À ce moment, vivait à Saint-Jean d’Acre un cabaliste de France ou des provinces rhénanes, nommé Salomon Petit, qui paraissait s’être imposé la tâche de faire décréter un nouvel autodafé pour les œuvres de Maïmonide. Entouré de nombreux disciples, qu’il initiait aux mystères de la Cabale et auxquels il faisait des