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Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/243

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dans la bouche d’une personnalité connue des temps passés, en s’affublant en quelque sorte du masque d’un ancien docteur, il aurait grande chance d’attirer sur son œuvre l’attention bienveillante de tous ceux, savants ou ignorants, qui essaient de pénétrer les mystères de la doctrine secrète. Pourquoi ne réussirait-il pas, lui aussi, là où avaient réussi les frères cabalistes Ezra et Azriel, qui étaient parvenus à faire accroire à leurs contemporains que leur livre Bakir datait de l’époque talmudique ? Il s’agissait seulement de trouver un personnage sous le nom duquel il pût faire paraître un ouvrage cabalistique, sans éveiller des doutes dans l’esprit des adeptes de la doctrine secrète. Le nom du tanna Simon ben Yohaï lui parut répondre parfaitement à cette condition. Ce docteur passe, en effet, pour avoir séjourné treize ans dans une caverne, où l’ange Metatron lui aurait fait des révélations. Mais il ne fallait pas qu’il écrivit en hébreu, autrement les cabalistes auraient reconnu trop facilement l’écho de leurs propres doctrines. Il était préférable qu’il s’exprimât en chaldéen, langue un peu obscure et étrange, et particulièrement appropriée à l’exposition de mystères. C’est ainsi que naquit le Zohar, Splendeur, ouvrage qui fut vénéré dans le judaïsme, pendant des siècles, comme une révélation divine, que des chrétiens mêmes respectaient comme un livre d’une très haute antiquité et qui, aujourd’hui encore, jouit auprès de quelques Juifs d’une très grande autorité. Rarement falsification a aussi bien réussi. Il est vrai que Moise de Léon a déployé une très grande habileté dans cette œuvre de supercherie, présentant Simon ben Yohaï entouré d’une auréole, au milieu de disciples d’élite, au nombre de six ou de douze, qui brillaient comme de radieuses étoiles.

Dans le Zohar, Simon ben Yohaï est nommé la lumière sacrée et présenté comme supérieur même au grand prophète Moïse, le pasteur fidèle. Ces éloges exagérés que le prétendu auteur est censé s’adresser à lui-même pouvaient déjà trahir l’imposture. Mais une autre objection, plus sérieuse, se présentait à l’esprit. On devait se demander par suite de quelles circonstances cette doctrine mystérieuse, restée si longtemps cachée, était divulguée de nombreux siècles après son éclosion. À cette question, le Zohar