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Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/253

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les Juifs de Rœttingen, petite ville de la Franconie, d’avoir souillé et broyé une hostie, d’où le sang se serait ensuite échappé. Un gentilhomme de la localité, nommé Rindfleisch, déclara qu’il était investi par le ciel de la mission de venger ce prétendu sacrilège et d’exterminer totalement la race juive. Aidé dans sa sanglante entreprise par une tourbe fanatisée, il commença par livrer aux flammes tous les Juifs de Rœttingen (avril 1298). De là, ces bandes de brigands, sous la direction de Rindfleisch, coururent de ville en ville, recrutant sur leur route de nouveaux complices et égorgeant tous les Juifs tombés entre leurs mains et qui refusaient d’accepter le baptême. La communauté de Wurzbourg fut massacrée tout entière (24 juillet). À Nuremberg, les Juifs, réfugiés dans le château fort de la ville, s’y défendirent vaillamment avec l’aide de quelques généreux chrétiens. Le fort pris, ils furent tous tués (1er août). Dans ce massacre périt, avec sa femme et ses cinq enfants, un savant talmudiste. Mordekhaï ben Hillel, parent et condisciple d’Ascheri et auteur d’un recueil talmudique très estimé. Bien des parents qui craignaient qu’en face de la mort leurs enfants n’eussent pas le courage de rester fidèles à leur Dieu, les jetérent eux-mêmes dans les flammes et s’y ; précipitèrent derrière eux. En Bavière, deux communautés seules, celles de Ratisbonne et d’Augsbourg, échappèrent au massacre.

De la Bavière et de la Franconie, les hordes sanguinaires de Rindfleisch se répandirent en Autriche. Dans l’espace de six mois, elles détruisirent plus de cent quarante-six communautés et tuèrent plus de cent mille Juifs. Toute l’Allemagne juive était dans des transes et s’attendait à être massacrée. Et de fait, leurs craintes se seraient peut-être réalisées si, par suite de la mort de l’empereur Adolphe et de l’avènement au trône d’Albert, la guerre civile n’avait pas alors cessé. Le nouvel empereur prit des mesures vigoureuses pour rétabli la paix dans le pays ; il sévit contre ceux qui avaient maltraité les Juifs et imposa des amendes aux villes qui avaient participé à ces excès. Dans sa pensée, les amendes devaient réparer en partie les pertes qu’avaient fait subir au fisc ceux qui avaient massacre ; les Juifs, serfs de la chambre impériale, et qui avaient pillé leurs biens. La plupart des Juifs qui, par contrainte, avaient accepté le baptême, retournèrent au