Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/271

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Rahab, qui, à Jéricho, offrit l’hospitalité aux explorateurs, et Tamar, qui attendait les passants près d’un carrefour. Dans l’œuvre de Dante, tous les païens sont exclus du paradis, parce qu’ils n’ont pas connu le Christ et, par conséquent, ne peuvent pas participer à la béatitude éternelle. Le poète juif est moins intolérant. Arrivé devant un groupe de bienheureux qu’il ne reconnaît pas, il demande à son guide quels sont ces personnages. Ce sont là, réplique Daniel, les gens de bien d’entre les païens qui ont réussi à acquérir la sagesse et ont reconnu le Dieu Un comme créateur du monde et dispensateur de toutes les grâces. David, Salomon, Isaïe, Ézéchiel, font cercle autour d’Immanuel et le remercient à qui mieux mieux d’avoir si bien interprété leurs pensées. À cette occasion, notre satirique allonge quelques coups de griffe à plusieurs commentateurs anciens et contemporains.

Pendant que les Juifs de Rome vivaient ainsi dans une sécurité relative et s’adonnaient paisiblement à des travaux littéraires. le malheur les guettait. On raconte que le pape Jean XXII, qui résidait à Avignon, avait une sœur du nom de Sangisa, qui, désireuse de faire expulser les maudits Juifs de la sainte Rome, aurait fait attester par quelques ecclésiastiques que ces réprouvés s’étaient moqués d’un crucifix qu’on portait à une procession. À la suite de ce témoignage, le pape aurait cédé aux instances de sa sœur et ordonné l’expulsion des Juifs de Rome. Ce qui est certain, c’est que. par opposition à son rival Louis de Bavière, l’anti-césar Frédéric le Bel se montrait très hostile aux Juifs, faisant rechercher et brûler dans ses États les exemplaires du Talmud et insistant avec d’autres princes auprès du pape pour qu’il persécutât les Juifs. Devant l’imminence du danger, les Juifs de Rome et peut-être aussi d’autres communautés, instituèrent un jeûne (1321) et envoyèrent ensuite un délégué habile plaider leur cause à la cour papale d’Avignon et auprès du roi Robert, de Naples, le protecteur de la science juive. Grâce à l’intervention de ce prince, alors suzerain de Rome, le délégué juif, qui était sans doute le poète Kalonymos, réussit à démontrer l’innocence des Juifs et à apaiser la colère du pape et de sa sœur grâce à un don de 20.000 ducats. Le danger fut ainsi conjuré et le malheur écarté, pour cette fois, des Juifs de Rome.