Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/306

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Juifs, aidés d’une partie de la population chrétienne, défendirent énergiquement la ville contre les soldats de Henri. Ils soutinrent un siège effroyable, pendant lequel la famine était si grande qu’ils mangèrent le parchemin des rouleaux de la Loi et jusqu’à la chair de leurs enfants. Après le siège, cette belle communauté de Tolède avait presque totalement disparu, décimée par la faim et le fer.

Don Pedro fut définitivement défait près de Montiel (14 mars 1369), succombant sous les coups réunis de son frère Henri et de Bertrand Du Guesclin. À la nouvelle de sa mort, le pape Urbain V s’écria joyeusement : J’apprends avec satisfaction la disparition de ce tyran, rebelle contre l’Église et protecteur des Juifs et des Sarrasins. Le juste se réjouit du châtiment infligé au méchant. La mort de Don Pedro était, en effet, un triomphe pour la papauté, car elle obtenait enfin ce qu’elle avait vainement poursuivi jusque-là, l’humiliation des Juifs de la Castille.

Henri de Transtamare, qui monta sur le trône après avoir tué son frère, ne se montra pourtant pas malveillant pour les Juifs de son royaume. Ceux-ci, il est vrai, craignaient que le nouveau souverain ne les châtiât de la fidélité persistante qu’ils avaient témoignée à son adversaire. Mais Henri avait besoin d’eux. Sa lutte contre Don Pedro avait absorbé des sommes considérables ; il devait, en outre, beaucoup d’argent à ses alliés. De plus, le pays était épuisé à la suite de cette guerre acharnée. Il fallait donc des financiers très habiles et très intelligents pour trouver l’argent nécessaire et faire rentrer régulièrement les impôts. Fleuri savait que des Juifs seuls pouvaient exercer ces fonctions dans ces circonstances difficiles. Aussi, au lieu de punir les Juifs de leur attachement pour Don Pedro, les en loua-t-il, au contraire : Il est du devoir d’un roi, dit-il, de récompenser de tels sujets, puisqu’ils sont restés fidèles à leur souverain jusqu’à sa mort et ne l’ont pas trahi au profit du vainqueur. Il appela auprès de lui deux Juifs de Séville, Don Joseph Pichon et Don Samuel Abrabanel, et nomma le premier son ministre des finances ou almoxarif. Ainsi, il commit lui-même cet horrible crime de confier des emplois à des Juifs, quoiqu’il eût reproché avec tant d’âpreté à son frère.