Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/314

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grave accusation. Sur ces entrefaites, Henri II mourut et son fils, Don Juan Ier, fut couronné roi (1379) à Burgos, capitale de la Vieille Castille. Pendant les fêtes du couronnement, un tribunal de rabbins condamna Pichon comme délateur, sans même l’entendre. Ensuite quelques Juifs ayant accès à la cour demandèrent au jeune roi de les autoriser à faire exécuter un de leurs coreligionnaires très dangereux, dont ils turent le nom. Aunis de la lettre royale et du texte de l’arrêt, les ennemis de Pichon se rendirent auprès du chef de la police (alguacil), Fernan Martin, et demandèrent son assistance pour exécuter la sentence des rabbins. Le matin, à la première heure, quelques Juifs, accompagnés de l’alguazil, pénétrèrent dans la demeure de Pichon, le réveillèrent et le firent sortir de sa maison sous un prétexte quelconque. Arrivé à la porte, le malheureux fut immédiatement tué.

Cette exécution produisit dans toutes les classes de la société une profonde et douloureuse sensation. Don Juan Ier, surtout, en fut indigné ; il en voulut aux Juifs d’avoir tué un homme qui avait rendu de si grands services à son père et de lui avoir fait- ratifier par ruse cette inique condamnation. Sur son ordre, les exécuteurs juifs, un membre du tribunal rabbinique de Burgos et` l’alguazil Fernan Martin furent mis à mort. De plus, il enleva aux tribunaux juifs la juridiction pénale ; dorénavant, les Juifs devaient élire des chrétiens pour juger leurs procès criminels. Dans sa colère, le roi accueillit même toutes les calomnies qui lui étaient rapportées contre les Juifs, il croyait qu’ils proféraient, dans leurs prières, des imprécations contre les chrétiens et l’Église et qu’ils accomplissaient la circoncision, pour les faire entrer dans le judaïsme, sur des musulmans, des Tartares et d’autres croyants. Il leur ordonna, sous les peines les plus sévères, de s’abstenir de tout prosélytisme et d’effacer les passages incriminés dans leurs prières.

Aux yeux des chrétiens de Séville aussi, le supplice infligé à Joseph Pichon était un meurtre juridique, dont ils rendaient responsable la population juive tout entière. Ils n’attendaient qu’une occasion pour tirer vengeance de ce crime.

À partir de ce moment, la situation des Juifs d’Espagne empira de plus en plus. Les cortès, comme autrefois les conciles sous les