Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/320

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Hasdaï Crescas. On dit que onze mille Juifs acceptèrent le baptême. Pas un seul Juif ne resta à Barcelone. Bientôt après, Lérida, Girone, d’autres villes encore, devinrent le théâtre de scènes semblables. Parmi les Juifs, les uns se laissèrent tuer, les autres abjurèrent. Pourtant à Girone, les abjurations furent très rares. Les rabbins donnaient partout l’exemple du courage et de la piété.

Dans certaines parties de l’Espagne, cette terrible persécution se prolongea pendant trois mois. Presque toutes les communautés juives des provinces de Valence et de Catalogne furent anéanties ; ceux de leurs membres qui échappèrent aux massacres en furent redevables à la pitié de la noblesse, qui leur donna asile dans ses châteaux forts. Dans l’Aragon, les Juifs souffrirent moins, parce qu’ils avaient eu la prévoyance d’offrir tous leurs biens à la cour, pour obtenir en échange une protection efficace. L’impression fut, en général, si terrifiante que, plusieurs mois après la cessation de ces excès, les Juifs n’osèrent pas encore quitter les lieux de refuge où ils s’étaient retirés. Sur la demande de la communauté de Perpignan, qui avait été douloureusement émue à la nouvelle de ces sanglantes violences, Hasdaï Crescas lui en adressa le triste récit.

Ainsi, cinquante ans après les épouvantables massacres provoqués par la peste noire, les Juifs d’Espagne étaient devenus aussi malheureux que leurs coreligionnaires d’Allemagne. Eux aussi pouvaient maintenant gémir sur leurs souffrances dans de sombres élégies. Hais pour ces fiers Castillans, les conséquences de la persécution furent plus désastreuses encore que les massacres mêmes. Ils vécurent dorénavant dans des transes continuelles, l’esprit assombri, l’intelligence troublée, tremblant de rencontrer un chrétien et prenant la fuite devant un enfant. Jusqu’alors, ils avaient considéré l’Espagne comme une patrie. Cette persécution leur rappela qu’ils n’y jouissaient d’aucune sécurité et qu’ils y étaient des étrangers. Qu’ils leur semblaient déjà loin ces temps héroïques où ils se battaient si vaillamment pour la cause de Don Pedro !

Pourtant, en Portugal, les Juifs ne furent pas trop maltraités. C’est que le roi de ce pays, Don João Ier maintenait énergiquement l’ordre et châtiait les émeutiers avec une implacable sévérité.