Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/342

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leur déclarer qu’il ne s’agirait pas, dans ce colloque, d’examiner la vérité du judaïsme ou du christianisme. Pour lui, la supériorité de cette dernière religion était au-dessus de toute contestation. La controverse ne devait porter que sur un seul point, à savoir si vraiment le Talmud présente Jésus comme Messie.

Quand Benoît XIII lui eut donné la parole, Jérôme, après avoir baisé le pied du pape, fit un discours prolixe où il entremêlait des subtilités juives, chrétiennes et même scolastiques. Don Vidal Benveniste, choisi par les notables pour être leur principal interprète, lui répondit par un discours latin qui lui attira les compliments du pape, et où il fit ressortir la malveillance de Jérôme qui, avant tout examen, adressait des menaces à lui et à ses collègues. À la fin de cette première séance, les notables prièrent le pape de les dispenser de continuer la controverse. Naturellement, le pape s’y refusa et les invita à revenir le lendemain.

Le même jour encore, les notables juifs et toute la communauté de Tortose se rendirent anxieux à la synagogue, pour implorer Dieu de leur venir en aide, lui qui avait si souvent secouru leurs ancêtres, de leur inspirer des pensées justes et de ne leur faire prononcer aucune parole qui pût froisser leurs adversaires. Dans un discours qu’il prononça à cette occasion, Zerahya Hallévi Saladin se fit l’interprète des sentiments de crainte qui animaient tout l’assemblée.

Au début, on discutait dans des termes presque amicaux. Les séances étaient fréquemment présidées par Benoît XIII. Mais quand les princes eurent convoqué un concile à Constance pour se prononcer au sujet des trois papes alors en fonctions, des préoccupations personnelles obligeaient souvent Benoît XIII à s’absenter. C’était alors le général des dominicains ou le chef de la cour papale qui présidait.

Les arguments exposés par Jérôme de Santa-Fé n’étaient pas difficiles à réfuter. Mais quand cela était nécessaire à sa cause, il ne craignait pas de faire dire aux notables juifs, dans les procès-verbaux, tout le contraire de ce qu’ils avaient dit en public. Pour échapper à ce piège, plusieurs d’entre eux prirent le parti de mettre leurs réponses par écrit. On ne se gênait pas plus pour y porter des modifications. Les représentants juifs voulaient-ils