Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/372

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Jeanne de Naples et autorisé à châtier avec la dernière rigueur les Juifs qui transgresseraient les prescriptions canoniques ou ne porteraient pas le signe distinctif qui leur était imposé.

Partout où Capistrano se rendait en Allemagne, il inspirait aux Juifs la plus grande terreur. Son nom seul les faisait trembler. En Bavière, dans la Silésie, en Moravie et en Autriche, où la lutte contre les hussites avait déjà échauffé les esprits, Capistrano les surexcita encore plus, et comme les hérétiques de la Bohème savaient se défendre avec vaillance, la foule tournait sa fureur contre les Juifs. L’action de ce terrible convertisseur s’étendit avec une grande rapidité, elle rendit plus intense encore le fanatisme des ducs bavarois Louis et Albert, qui, déjà auparavant, avaient expulsé les Juifs de leurs domaines, elle égara même ceux qui, jusqu’alors, s’étaient montrés justes et tolérants. Ainsi, les bourgeois de Ratisbonne, qui avaient eu le courage de protéger leurs concitoyens juifs contre l’iniquité du duc Louis, insérèrent dans le règlement relatif aux sages-femmes, sous l’influence de Capistrano, cet article odieux qu’une sage-femme chrétienne n’avait pas le droit de prêter son concours à une accouchée juive, même pour lui sauver la vie.

Eden ne montre mieux l’action néfaste exercée par Capistrano que la conduite tenue à l’égard des Juifs par un prélat de ce temps avant et après les prédications de ce moine. À son avènement, l’évêque Godefroi, de Wurzbourg, qui était en même temps duc de Franconie, avait accordé par lettres patentes, en son nom et au nom de ses successeurs, un certain nombre de privilèges aux Juifs de sou territoire. Aucun d’entre eux ne pouvait être appelé à comparaître devant un tribunal chrétien, laïque ou ecclésiastique ; tous devaient être jugés par leurs tribunaux spéciaux. Il leur était permis d’émigrer librement, et les partants étaient appuyés par les autorités pour obtenir le payement de leurs créances. Les rabbins (grands-maîtres) de Wurzbourg étaient exempts de tout impôt et avaient le droit de former des élèves à volonté. Le doyen et le chapitre avaient pris l’engagement, en leur nom et au nom de leurs successeurs au chapitre, de faire respecter ces privilèges. À tout Juif nouvellement immigré, l’évêque donnait un sauf-conduit particulier.