Capon, ne craignait pas de faire maltraiter les Juifs s’il y trouvait quelque avantage. Il était heureusement tenu d’entretenir de bonnes relations avec le riche Don Joseph Benveniste et ses fils Don Vidal et Don Abraham, qui, à l’exemple de leur aïeul, nommé autrefois grand-rabbin par Juan II, se préoccupaient avec un zèle louable des intérêts matériels et moraux de leurs frères. Un autre descendant de Juifs, Diego Arias Davila, ministre de la maison royale, qui n’était pas plus scrupuleux que Juan de Pacheco, se permettait même de nommer des Juifs comme sous-fermiers des impôts. Dans les dernières années de sou règne, Don Henri IV éleva à la dignité de grand-rabbin Jacob ibn Nunès, qui était sans doute son médecin ou son favori.
Le roi d’Aragon pouvait encore bien moins se brouiller avec les Juifs riches de son pays, car, étant plus pauvre que sa noblesse, il avait besoin de leur concours. Du reste, il avait un faible pour l’astrologie, et avait appelé auprès de lui quelques astrologues juifs, entre autres le prédicateur Abraham Bibago. Il se faisait également soigner par des médecins juifs, et l’un d’eux, Don Abiatar ibn Crescas Haccohen, le guérit d’une double cataracte. Ce qui prouve avec éclat qu’il se montra bienveillant pour les Juifs de son royaume, c’est qu’à sa mort, plusieurs communautés, en habits de deuil, se réunirent, sous la présidence du médecin Ibn Crescas, pour célébrer un service funèbre en son honneur. Hommes et femmes, cierge en main, chantèrent des psaumes hébreux et des élégies espagnoles.
Encouragée par l’exemple des souverains, la haute noblesse non plus ne tenait nul compte des dispositions canoniques relatives aux Juifs. Elle continuait à employer des médecins juifs, qui avaient ainsi leurs entrées chez les grands et gagnaient leur confiance par leur habileté professionnelle. Comme il existait à cette époque peu de médecins chrétiens, les dignitaires de l’Église eux-mêmes recouraient à des Juifs, en cas de maladie, en dépit des bulles des papes Eugène, Nicolas et Calixte. Ils aimaient trop leur corps pour ne pas enfreindre une défense pontificale quand il s’agissait de leur santé.
Mais les ennemis des Juifs espagnols ne restaient pas inactifs, surtout dans les grandes villes. Pour atteindre leur but, ils eurent