À la fin, ce moine tenace réussit quand même à faire éclater contre les Juifs, sinon en Italie, du moins dans le Tyrol, une persécution sanglante qui s’étendit jusqu’en Allemagne. Il avait remarqué avec un vrai chagrin qu’à Trente les populations juive et chrétienne avaient ensemble les meilleurs rapports, et qu’un habile médecin juif, Tobias, et une Juive très intelligente, Brunetta, étaient surtout très considérés dans les classes élevées de la société. Selon lui, une telle situation était scandaleuse, et il lui semblait indispensable d’y mettre fin. Bientôt les églises de Trente retentirent de ses imprécations contre les Juifs. Aux objections de quelques chrétiens disant que les Juifs de Trente, tout en ne professant pas la vraie religion, étaient pourtant de braves gens, Bernardin répliqua : Vous ne savez pas quel mal vous feront ces braves gens. Avant que le dimanche de Pâques soit passé, vous aurez une preuve manifeste de leur bonté à votre égard. Il pouvait prophétiser à coup sûr, car, de concert avec d’autres moines, il forma un plan vraiment diabolique, qui n’amena pas seulement l’extermination de la communauté de Trente, mais eut aussi de terribles conséquences pour les Juifs d’autres pays. Dans cette circonstance, lui et ses complices furent admirablement servis par le hasard.
Dans la semaine de Pâques (1475), un enfant chrétien d’environ trois ans, nommé Simon, de parents pauvres, se noya à Trente, dans l’Adige, et le cadavre, emporté par l’eau, fut retenu par un barrage, tout juste devant la maison d’un Juif. Pour empêcher toute fausse supposition, le Juif s’empressa d’aller informer l’évêque Hinderbach de cet accident. L’évêque, accompagné de deux personnes notables, se rendit à l’endroit indiqué et fit transporter le cadavre à l’église. Dès qu’ils eurent appris cette nouvelle, Bernardin et d’autres prêtres fanatiques répandirent le bruit que les Juifs avaient martyrisé et tué cet enfant et l’avaient ensuite jeté dans le fleuve. Pour surexciter plus sûrement les passions populaires, ils exposèrent publiquement le corps de l’enfant.
Sur l’ordre de l’évêque Hinderbach, tous les Juifs de Trente furent incarcérés, et on commença aussitôt leur procès. Un médecin, Mathias Tiberinus, consentit à attester que l’enfant avait été