Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/397

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des moines. Le doge ajouta même que le prétendu meurtre de l’enfant Simon n’était qu’une pure invention. Le pape Sixte IV, de son côté, refusa de canoniser cet enfant ; il fit connaître son refus à toutes les villes d’Italie (1475), et défendit aux chrétiens de considérer Simon comme un saint, avant que cette affaire ne fût éclaircie par une enquête sérieuse. Malgré cette haute intervention, le clergé continua d’organiser des pèlerinages pour aller visiter les ossements du martyr. En Allemagne, surtout, la haine contre les Juifs s’en accrut. À Francfort-sur-le-Mein, près du pont qui conduit à Saxenhausen, les bourgeois élevèrent une statue représentant un enfant martyrisé et d’horribles personnages juifs en conversation avec le diable. Sur le piédestal on grava ces deux mauvais vers :

So lang Trient und das Kind wird genannt,
Der Juden Schelmstück bleibt bekannt[1].

Mais nulle part cette histoire de Trente n’eut pour les Juifs des conséquences aussi terribles qu’à Ratisbonne. La communauté juive de cette ville, une des plus anciennes de l’Allemagne du Sud, se distinguait, non seulement par sa profonde piété, mais aussi par son austère moralité. On ne se rappelait pas, de mémoire d’homme, qu’un Juif indigène de Ratisbonne eût été cité devant la justice pour une action malhonnête. Les Juifs de Ratisbonne étaient, en général, très instruits et particulièrement estimés parmi leurs coreligionnaires d’Allemagne. Depuis de nombreux siècles ils possédaient des privilèges, garantis par lettres patentes, que chaque empereur confirmait à son avènement. On les considérait presque comme bourgeois de la ville, et ils montaient la garde, comme miliciens, en même temps que les chrétiens. C’était à qui les réclamait, parmi les princes de Bavière et les diverses autorités, naturellement pour leur extorquer de l’argent, -et ils étaient devenus pour ainsi dire une pomme de discorde entre l’empereur Frédéric III et le duc de Bavière-Landsberg. D’autres encore, la famille des Kamerauer, le conseil de la ville et naturellement l’évêque


  1. Tant qu’on parlera de Trente et de l’enfant,
    On conservera le souvenir de la coquinerie des Juifs.