Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/434

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Qu’il le fit de sa propre initiative ou sur les instances d’Abrabanel, le roi de Naples se montra très humain envers les pauvres réfugiés. Ces malheureux étaient frappés sans relâche par la destinée, car ils étaient à peine dans le royaume de Naples depuis six mois, quand la peste éclata parmi eux. Craignant que la foule, affolée, ne les attaquât, le roi les engagea à enterrer leurs morts secrètement, pendant la nuit. Mais lorsque l’épidémie eut redoublé de violence et qu’il ne fut plus possible de tenir la chose cachée, le peuple et la noblesse sollicitèrent de Ferdinand l’expulsion des Juifs. Le roi s’y refusa. On raconte même qu’il menaça d’abdiquer dans le cas où on leur ferait le moindre mal. II fit établir des baraquements, en dehors de la ville, pour les malades, leur envoya des médecins, et, pendant une année entière, leur prodigua libéralement des secours.

À Pise aussi, les réfugiés espagnols furent accueillis par leurs coreligionnaires avec une grande cordialité. Les fils de Yehiel, de Pise, le vieil ami d’Abrabanel, s’étaient installés au port pour recevoir les émigrants, aider à leur établissement dans la ville même ou les envoyer dans d’autres localités.

Mais tous les autres proscrits, d’après le témoignage même des contemporains, eurent à subir des épreuves inouïes. Ceux qui furent épargnés par la famine et la peste périrent par la main des hommes. Comme le bruit s’était répandu que les proscrits, pour emporter de l’or et de l’argent en dépit de la défense qui leur en était faite, en avaient avalé de grandes quantités, des cannibales les éventraient pour chercher dans leurs entrailles ces trésors cachés. Les capitaines des navires génois, surtout, traitèrent avec une férocité sauvage les malheureux exilés qui s’étaient confiés à leur loyauté. Par cupidité, ou par simple caprice, pour se repaître des souffrances et des cris désespérés des Juifs, ils en précipitèrent un grand nombre dans les flots. Sur les estes de l’Afrique, ils furent torturés et tués par les Berbères, ou persécutés par les convertisseurs chrétiens.

Dans le port de Gènes aussi, ils furent assaillis de maux sans nombre. Il existait alors une loi qui défendait aux Juifs de séjourner dans cette ville pendant plus de trois jours. Or, il arriva que des navires sur lesquels étaient embarqués des exilés espagnols