d’Espagne, qu’elle interviendrait auprès de son époux pour faire expulser du Portugal les proscrits juifs et musulmans qui s’y étaient réfugiés. Les souverains d’Espagne accordèrent donc à Manoël la main de leur fille Isabelle, à condition qu’il contractât une alliance avec l’Espagne contre Charles VIII, roi de France, et qu’il chassât de son pays tous les Juifs sans exception, indigènes et immigrés.
Manoël hésita d’abord à souscrire à ces deux conditions, car il entretenait les meilleurs rapports avec la France, et il n’ignorait pas quel profit considérable le Portugal tirait des richesses et de l’activité industrieuse des Juifs. Il soumit donc la question des Juifs à ses conseillers les plus prudents parmi les grands. Les avis se partagèrent. Ce fut Isabelle qui triompha des scrupules du roi, dont la probité avait reculé jusqu’alors devant l’acte cruel et déloyal qu’on réclamait de lui.
Sous l’influence du clergé, ou peut-être par haine personnelle contre le judaïsme, cette princesse en était arrivée à cette conviction que le chagrin qui avait assombri les derniers jours de João II lui avait été infligé en punition du bon accueil qu’il avait fait aux exilés juifs d’Espagne, et elle craignait que son union avec Manoël fût également malheureuse si les Juifs continuaient de demeurer en Portugal. Manoël ne céda pourtant pas tout de suite. Dans son cœur se livra un violent combat. Chasser les Juifs, c’était trahir les promesses qu’il leur avait faites, fouler aux pieds tout sentiment d’humanité et sacrifier les intérêts de l’État ; mais les laisser dans son royaume, c’était renoncer à l’infante espagnole et, par conséquent, à l’espoir de porter un jour la couronne d’Espagne. À la fin, quand sa fiancée, qu’il était allé attendre à la frontière, lui écrivit une lettre pour lui déclarer qu’elle n’entrerait pas en Portugal tant qu’elle risquerait d’y rencontrer les maudits Juifs, il se conforma à son désir.
La première conséquence du mariage de Don Manoël avec l’infante Isabelle fut donc le bannissement des Juifs du Portugal. En effet, le contrat de mariage fut signé le 30 novembre 1496, et, dés le 24 du mois suivant, le roi promulgua une loi ordonnant aux Juifs et aux musulmans, sous peine de mort, de se faire chrétiens ou de quitter le Portugal dans un délai donné. Pour apaiser en