Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/448

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

le nouvel édit, seraient jugés dans les formes ordinaires, et les biens des condamnés ne seraient pas confisqués, comme en Espagne, mais reviendraient à leurs héritiers. Les médecins et les chirurgiens convertis qui ne comprenaient pas le latin étaient autorisés à étudier leur art dans des livres hébreux. Grâce à ce décret, les nouveaux chrétiens pouvaient observer secrètement, en toute sécurité, les pratiques du judaïsme et s’adonner à l’étude de la littérature talmudique. Nul chrétien portugais n’était, en effet, capable, en ce temps, de distinguer, parmi les ouvrages hébreux, un livre de médecine de tout autre livre.

L’édit de tolérance ne s’appliquait qu’aux Marranes portugais. Par égard pour la cour d’Espagne ou plutôt pour l’infante Isabelle, sa femme, le roi Manoël ordonna l’expulsion de tous les Marranes espagnols. Cette mesure inhumaine lui était, du reste, imposée par une clause de son contrat de mariage (août 1497), en vertu de laquelle toutes les personnes d’origine juive condamnées par l’Inquisition en Espagne, et qui s’étaient réfugiées en Portugal, devaient être chassées dans le délai d’un mois.

Parmi les milliers de Juifs portugais qui s’étaient résignés au sacrifice de leur foi, la plupart n’attendaient qu’une occasion favorable pour émigrer dans un pays où ils seraient libres de retourner au judaïsme. Comme le dit le poète Samuel Usque, les eaux du baptême n’avaient modifié ni leurs croyances ni leurs sentiments. Il y eut même quelques Juifs héroïques, comme Simon Maïmi, probablement le dernier grand rabbin (Arrabi mor) du Portugal, sa femme, ses gendres, et d’autres encore, qui s’obstinèrent à rester ouvertement fidèles à leur religion, en dépit des horribles tortures qu’on leur infligea. Jetés dans un cachot, ils furent emmurés jusqu’au cou et restèrent dans cette position pendant trois jours. Comme ils persistèrent dans leurs croyances, on fit tomber la maçonnerie qui les enveloppait ; trois des suppliciés, et parmi eux Maïmi, avaient succombé. Quoiqu’il fût sévèrement défendu d’ensevelir les victimes de ces tortures, que les bourreaux seuls avaient le droit de mettre en terre, deux Marranes risquèrent leur vie pour inhumer le pieux Maïmi dans le cimetière juif, où un certain nombre de Marranes vinrent en cachette célébrer en son honneur une cérémonie funèbre.