Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/192

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jours fériés, même de la fête de l’Expiation, de supprimer ou de modifier les lois alimentaires.

Si Léon Modena avait été un homme de caractère énergique et de solides convictions, il aurait peut-être pu créer une agitation sérieuse parmi ses coreligionnaires et provoquer des réformes. Mais, après avoir vilipendé le Talmud, il en fit l’éloge, par pur jeu d’esprit, réquisitoire et plaidoyer restèrent enfouis au milieu de ses paperasses. II laissa également inédit un ouvrage, Ari Noham ou le Lion rugissant, qu’il écrivit contre la Cabale. Jusqu’à sa vieillesse, il persista dans ses incohérences et dans sa conduite déréglée, s’adressant d’amers reproches dans son autobiographie, mais n’ayant pas le courage de se corriger. Il mourut dans un complet dénuement.

Joseph Salomon Delmedigo (1591-1655) ressemblait en apparence à Léon Modena, mais restait au fond bien différent de lui. Il ne ressemblait pas plus à la famille à laquelle il appartenait, qui avait toujours cultivé la science et le Talmud, et dont un des membres les plus connus était Elia Delmedigo, son bisaïeul. À l’Université de Padoue où il étudiait, il manifestait une prédilection marquée pour les mathématiques et l’astronomie. Du reste, Il eut pour maître, dans cette ville, l’illustre Galilée, qui lui fit connaître le système planétaire de Copernic. Ni Delmedigo ni aucun Juif croyant n’eurent jamais l’idée de considérer comme hérétique l’opinion qui admettait le mouvement de la terre et l’immobilité du soleil. Il étudia également la médecine, mais seulement pour gagner sa vie ; sa préférence demeura acquise aux mathématiques. Disciple de Léon Modena, il entassa dans sa mémoire, comme son maître, les connaissances les plus variées. Dans le mi-lieu juif où il vécut et où l’on s’exprimait librement sur la religion, Delmedigo commença à douter de l’authenticité des traditions juives, mais il ne se décida ni à essayer de triompher de ses doutes ni à y conformer sa conduite.

Ainsi ébranlé dans ses croyances, il retourna à Candie, dans sa famille, où ses opinions causèrent du scandale. Il fut contraint de repartir de la maison paternelle et, à l’exemple d’Abraham ibn Ezra, il commença alors à mener une vie errante. Partout où il rencontrait des Caraïtes, il se liait avec eux, et eux, de leur côté,