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INTRODUCTION.

soir vint, ils me dirent « Pars-tu ? » Je répondis : « Non, je coucherai ici. » Ils me mirent une natte d’un côté et, pour eux, (une autre) dans l’angle de l’autre côté ; ils enlevèrent leurs ceintures et leurs manteaux (ἀναλάβους) et se couchèrent sur la natte devant moi. Lorsqu’ils se couchèrent, je priai Dieu de me révéler leurs œuvres. Et le toit s’ouvrit et il vint une lumière comme de jour mais eux ne voyaient pas cette lumière. Lorsqu’ils pensèrent que je dormais, le grand piqua le plus jeune au côté et ils se levèrent, prirent leurs ceintures et levèrent les mains au ciel. Je les voyais, mais eux ne me voyaient pas. Je vis les démons qui venaient comme des mouches sur le plus jeune ; les uns allaient se poser sur sa bouche et d’autres sur ses yeux. Et je vis un ange du Seigneur tenant une épée de feu, qui le protégeait et chassait les démons loin de lui. Ils ne pouvaient pas approcher du plus grand. Lorsque, sur le matin, ils se reposèrent, je fis comme si je m’éveillais et ils en firent autant. Le grand ne me dit que ceci « Veux-tu que nous récitions douze psaumes ? » Je répondis : « Oui. » Le plus jeune récita cinq psaumes par six stiches (versets) avec un Alleluia. À chaque verset, une lampe de feu sortait de sa bouche et montait au ciel. Le grand aussi, lorsqu’il ouvrait la bouche pour psalmodier, il sortait comme un câble de feu qui allait jusqu’au ciel. Moi aussi, je récitai un peu de mémoire, puis je partis en disant : « Priez pour moi. » Pour eux, ils me saluèrent en silence. J’appris donc que le plus grand était parfait, mais que l’Ennemi tourmentait encore le plus petit. Quelques jours après, le plus grand frère mourut, et trois jours après, le plus petit. Et lorsque quelques-uns des Pères venaient près d’Abba Macaire, il les conduisait à la cellule (des deux défunts) et disait : « Venez voir le martyrium[1] des petits étrangers. »

Ce récit eut grand succès puisqu’il figure déjà dans les collections de Vitae Patrum, attribuées à Rufin et à Jean le sous-diacre. Une église (le martyrium de la fin du récit précédent), et même un monastère[2], furent mis sous le vocable de ces étrangers de ces Romains et il est assez naturel qu’un auteur assez tardif qui a usurpé le nom de Bisoès (Peschoi) ait voulu percer le mystère qui entourait leur vie et nous raconter leur naissance et leurs miracles antérieurs à leur arrivée à Scété.

Nous reproduisons ci-dessous la rédaction du manuscrit 234. Celle-ci ne leur prête aucun miracle, car, dit-elle, « qui pourrait les raconter » ? Nous ajouterons quelques notes pour signaler les nombreuses additions de la rédaction développée, dont la version copte a été publiée par M. Amélineau (Annales du musée Guimet, t. XXV), et dont la version syriaque existe dans de nombreux manuscrits ; les plus anciens sont du xie siècle[3]. Nous avons étudié le ms. syriaque 236 de Paris qui représente en général la même source que le copte. Il ajoute cependant trois anecdotes que nous reproduisons en appendice pour compléter la version copte.

F. Nau.

  1. Nom donné en général aux chapelles élevées en l’honneur des martyrs.
  2. Baramous, qui subsiste encore.
  3. Londres, add. ms. 14655 (xie siècle), 14659 (presque du xe siècle). 14732 (xiiie siècle), 14735 (xiie siècle), 17262 (xiie siècle) et Paris, ms. 236, f. 54-86 (xiie siècle). Il existe aussi de nombreux manuscrits d’une version arabe, par exemple Paris, n° 258, f. 152-177 ; 4787, f. 251-299 ; 4793, f. 123-159 ; 4885, f. 57.