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LA VARIÉTÉ DU MOUVEMENT RYTHMIQUE


Le rythme du vers français est-il monotone ? — Beaucoup de personnes s’imaginent que nos vers du mode classique sont d’une intolérable monotonie et qu’ils sont tous rythmés d’une manière uniforme, si bien qu’on a été obligé, au xixe siècle, de recourir à l’enjambement et au rythme ternaire pour y introduire un peu de diversité. Ce sont là des jugements superficiels et erronés. L’enjambement et le rythme ternaire sont destinés uniquement à produire des effets particuliers, qui ont été étudiés dans les chapitres précédents ; quant au mouvement rythmique, il est, chez les bons versificateurs, d’une variété presque sans limites. On va s’en rendre compte par une analyse sommaire des quatre vers suivants. C’est un passage de V. Hugo qui n’a rien d’exceptionnel, mais il ne contient ni vers enjambant ni trimètre, c’est-à-dire qu’il est bien du mode classique :

Deux liards couvriraient fort bien toutes mes terres,
Mais tout le grand ciel bleu n’emplirait pas mon cœur.