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Page:Grammont - Petit traité de versification française, 1908.djvu/133

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garde aux accents libres qui surgissent dans l’intérieur des hémistiches ; ils sentent les effets qu’on en peut tirer et n’abandonnent plus leur place au hasard. L’alexandrin devient alors un vers de douze syllabes avec deux accents toniques fixes sur la sixième et la douzième, et deux accents libres subdivisant chaque hémistiche de manière variable. Du moins le plus grand nombre des vers classiques sont construits de cette façon. La coupe fixe les partage en deux éléments, les accents toniques les partagent en quatre. Les deux systèmes de division se superposent. Les accents libres, devenant souvent aussi forts que l’accent fixe de la sixième syllabe, s’élèvent à la hauteur d’un accent rythmique ; dès lors l’alexandrin est un vers rythmé, ayant en général quatre mesures. C’est le point capital de l’étape classique ; on l’atteint dans le second tiers du xviie siècle. L’alexandrin n’est plus à ce moment ni « énervé ni flasque » ; ses quatre divisions lui donnent toute la fermeté et toute la netteté désirables. Il est très monotone chez les versificateurs médiocres ; il est extrêmement souple et varié chez les artistes comme Racine, Corneille, La Fontaine, Molière.

Avec Chénier la coupe fixe reste obligatoire, mais l’enjambement reparaît. Chez les romantiques et leurs successeurs l’emploi du rejet se développe, et la coupe fixe elle-même peut à l’occasion disparaître, le vers n’ayant plus d’autres coupes que les coupes libres. L’introduction de ces libertés rend la rime riche de nouveau utile, parfois nécessaire.

Le vers français est-il donc redevenu au xixe siècle ce qu’il était au commencement du xvie  ? En aucune façon. Loin qu’il y ait eu retour en arrière l’évolution