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Il ouvre un large bec | laisse tomber | sa proie.

(La Fontaine, Fables, I, 2)

Mon ai|le me soulève | au souffle du printemps.
Le vent | va m’emporter ; | je vais | quitter la terre.

(Musset, Nuit de Mai)

Ces exemples suffisent pour faire comprendre ce genre d’effet ; ils montrent aussi qu’à côté de la mesure mise en relief il y a généralement dans le même hémistiche une mesure sacrifiée. Tout ne peut pas être en relief dans un vers, et rien ne l’est que par contraste ; c’est l’art de celui qui fait les vers et de celui qui les lit d’utiliser les ressources de la versification pour faire valoir les idées qui le demandent et qui s’y prêtent.

Les mesures lentes servant à insister sur un mot. — Tous les vers ne sont pas descriptifs et l’on n’a pas seulement des mouvements à peindre. La lenteur ou la rapidité des éléments rythmiques sont employées à des usages variés. Chacun sait que, dans la conversation ordinaire, lorsqu’on veut insister sur un mot, le mettre particulièrement en relief, on le détache du reste de la phrase soit par une intonation spéciale ou une accentuation plus forte, soit par une prononciation plus lente. En poésie une mesure lente produit un effet analogue pour faire ressortir un mot essentiel, celui qui résume une tirade ou une idée :

Fier de votre valeur, | tout, | si je vous en crois,
Doit marcher, doit fléchir, doit trembler sous vos lois.

(Racine, Iphigénie)

Et comptez-vous pour rien | Dieu | qui combat pour nous ?
Dieu | qui de l’orphelin protège l’innocence ?

(id., Athalie)