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Page:Grammont - Petit traité de versification française, 1908.djvu/69

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dans la seconde « les prend » est un rejet du premier vers, donc dans la première « les quitte » est un rejet du premier hémistiche et le premier de ces deux vers n’est pas un trimètre.

Mais en tout cas qu’il fût tout ce qu’il pouvait être,
C’était un garnement de dieu fort mal famé.

(Le Satyre)

Ce dernier vers est une conclusion et nous savons qu’un trimètre conviendrait parfaitement ; mais l’expression « un garnement de dieu » en une seule mesure serait vulgaire et passerait inaperçue. Le tétramètre la détaille et, grâce à la faiblesse de la césure, met parfaitement en relief tout ce qu’il y a de pittoresque et de hardi dans cette alliance de mots.

D’autres, d’un vol plus bas croisant leurs noirs réseaux,
Frôlaient le front baisé par les lèvres d’Omphale,
Quand, ajustant au nerf la flèche triomphale,
L’archer superbe fit un pas dans les roseaux.

(Hérédia, Stymphale)

La lecture du dernier vers en tétramètre ferait tellement ressortir « un pas » qu’il semblerait que le poète a voulu insister sur ce fait que l’archer n’a pas fait deux pas, ce qui fausserait le sens. Il faut donc lire en trimètre :

L’archer super|be fit un pas | dans les roseaux.

Hésitation possible. — Parfois l’hésitation est permise et les deux lectures sont à la rigueur possibles :

Un crapaud | regardait le ciel, | bête éblouie.

(Hugo, Le Crapaud)