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Doux vent qui sous le ciel sombre
Erre comme une âme en peine.

(Grech, La Brise en larmes)

Dans ce morceau les deux rimes plates de chaque quatrain sont remplacées par de simples assonances ; mais l’effet n’est pas modifié par ce fait.

Il n’est pas indifférent, lorsqu’on n’alterne pas les rimes, de les faire toutes masculines ou toutes féminines. Les rimes masculines ont quelque chose de net, de bien arrêté, qui n’aurait pas du tout convenu à la mélancolie, à l’indécision de contours de la pièce qu’on vient de citer :

Toujours, par monts et vallons,
Nous allons
Au galop des étalons,

Toujours, toujours, de l’avant,
En buvant
La liberté dans le vent.

(Richepin, Les Blasphèmes)

Les rimes féminines sont en quelque sorte prolongées par les consonnes qui suivent la voyelle tonique, comme une corde qui vibre et retentit encore après que l’archet l’a quittée ; il en résulte une impression plus molle, plus douce et en même temps plus durable :

Et j’ai rimé cette ode en rimes féminines
Pour que l’impression en restât plus poignante,
Et, par le souvenir des chastes héroïnes,
Laissât dans plus d’un cœur sa blessure saignante.

(Banville, Érinna)

Écoutez la chanson bien douce
Qui ne pleure que pour vous plaire.