Page:Grammont - Petit traité de versification française, 1908.djvu/94

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Il s’est enveloppé de son divin courroux ;
Il a fermé ma route, il a troublé ma voie ;
Mon sein n’a plus connu la joie ;
Et j’ai dit au Seigneur : Seigneur, souvenez-vous.

(Lamartine, La Poésie sacrée)

Mais dans la suivante le premier et le troisième vers ont une rime féminine, le deuxième et le quatrième une masculine :

C’est le chien de Jean de Nivelle
Qui mord sous l’œil même du guet
Le chat de la mère Michel ;
François-les-bas-bleus s’en égaie.

(Verlaine, Romances sans paroles)

Les rimes assonant entre elles. — Une autre pratique à laquelle s’astreignait la versification classique, contrairement à l’usage de nos plus anciens poètes, consiste à éviter que des rimes successives assonent entre elles. Lamartine n’y a pas pris garde dans le passage suivant :

La vie a dispersé, comme l’épi sur l’aire,
Loin du champ paternel les enfants et la mère,
Et ce foyer chéri ressemble aux nids déserts
D’où l’hirondelle a fui pendant de longs hivers.

(Milly)

Cette observance a pour but, comme la précédente, d’obtenir à coup sûr la variété ; mais le poète peut y déroger en vue d’un effet. Tout d’abord effet de monotonie :

Souvenir, souvenir, que me veux-tu ? L’automne
Faisait voler la grive à travers l’air atone,
Et le soleil dardait un rayon monotone
Sur le bois jaunissant où la bise détone.

(Verlaine, Poèmes saturniens)