presque continuel du pays. La branche la plus importante
du fermage est l’élevage des bestiaux et des chèvres,
qui se trouvent partout en abondance ; le beurre est
fabriqué en si grande quantité que, quoique tous les
Abyssins s’en oignent le corps et les cheveux, il en reste
encore beaucoup pour l’exportation. — Les richesses
minérales de l’Abyssinie n’ont jamais été sérieusement
exploitées, quoiqu’elles soient considérables, comme on
doit s’y attendre dans une telle contrée. Le fer se rencontre
dans un grand nombre d’endroits ; il y a aussi des
mines d’autres métaux qui sont complètement négligées ;
l’or se trouve dans la plupart des grand fleuves ; on a
signalé une couche de houille dans la vallée de la rivière
Couancoué, mais les Abyssins n’ont pas encore appris à
l’utiliser. L’or, le fer et le soufre semblent être les seuls
minéraux qui soient utilisés. On extrait du sel de plusieurs
lacs de la région N.-E. — On fabrique des étoffes
de coton pour les vêtements et des couvertures de laine.
Les cuirs sont préparés avec habileté et servent pour les
tentes et les lits ; avec la peau de l’hippopotame et de l’éléphant
on fabrique des boucliers. La plupart des articles
de fer sont importés. Cependant on fabrique des haches
et des socs de charrue dans plusieurs endroits ; à Gondar
et à Kiratza on fabrique aussi plusieurs autres
articles. Quand on songe que les Abyssins ont toujours
vécu isolés du monde civilisé, on est obligé de reconnaître
qu’ils ont su créer par eux-mêmes une certaine
industrie. Il n’y a nulle part de boutiquier ;
tout se vend et s’achète dans les marchés publics, même
les moindres articles de consommation quotidienne ; les
moyens d’échange sont le dollar autrichien et des morceaux
de sel appelés arnalé, importés de la côte E. et des pays
somali. L’Abyssinie peut se suffire à elle-même sans
rien tirer de l’étranger ; cependant le commerce y est une
des occupations les plus importantes. Ce commerce est
presque exclusivement de transit ; la contrée est devenue
le grand intermédiaire entre le monde civilisé et l’Afrique
centrale. Vu l’insécurité presque constante du pays, les
marchands voyagent par caravanes assez nombreuses pour
résister à main armée aux tentatives des condottieri. Le
point central de toutes les caravanes est Gondar. La route
la plus importante conduit au grand marché de Basso dans
la province de Godjam, où se réunissent beaucoup d’autres
caravanes venant de l’intérieur de l’Afrique. Massaoua reçoit
la plupart des articles exportés, qui sont : l’ivoire, le
civet, la poudre d’or, le café, le khélé (espèce d’épice qui
croit à Enaréa, province galla), les peaux et le cuir tanné,
le blé et autres grains, le beurre, la cire et le miel. Les articles
importés de Massaoua sont : le coton brut, le poivre,
les cotonnades, la soie brute, les soieries et le velours en petite
quantité, des objets en verre, bouteilles, verroteries,
etc. ; des objets de fer, rasoirs, lames de sabres, etc. ; du
zinc, des tapis de Turquie et une grande quantité de tabac
persan. Les esclaves formaient autrefois un des articles les
plus importants et, quoique l’esclavage n’existât que dans
des limites très restreintes en Abyssinie, un nombre considérable
d’esclaves étaient conduits tous les ans à travers
la contrée à Massaoua. Ce commerce parait avoir
cessé aujourd’hui.
VI. Histoire. — Il y a en Abyssinie des traces évidentes d’une influence de l’ancien empire égyptien, mais nous n’avons à ce sujet aucune donnée historique. Les indigènes disent que leur pays était celui de la reine de Saba, qui alla visiter le roi Salomon, dont elle aurait eu un fils, ancêtre de la race royale, et que les Juifs, qui voulaient échapper aux persécutions de Nabuchodonosor, seraient venus se réfugier en Abyssinie. Mais il est probable que les Félacha sont arrivés à une époque moins reculée. Les historiens grecs racontent que Ptolémée Evergète a fuit la conquête d’Aksoum, ce qui est confirmé par une inscription qu’un voyageur dit avoir vue dans cette ville. Cette conquête dura peu, mais l’influence grecque se montre dans les ruines d’Aksoum et par le fait qu’un roi nommé Aizenas
laissa une inscription en grec pour commémorer sa victoire
sur une tribu Bogos révoltée. C’est sous ce prince que Frumentios
ou Frumence introduisit le christianisme, à l’époque
de Constantin. Le terrain avait été préparé par les
missionnaires bouddhistes et la conversion de tout le pays
paraît avoir été chose facile. À l’époque de Justinien, l’impératrice
Théodora envoya des missionnaires qui introduisirent
le schisme d’Eutychès, et dès lors l’Eglise d’Abyssinie
n’a pas cessé d’être monophysite. Le vi e siècle parait
avoir été une époque de prospérité : les rois d’Aksoum s’emparèrent
d’une grande partie de l’Yémen ; mais bientôt les
Arabes, devenus musulmans, reprirent l’avantage et portèrent
la guerre en Afrique même, sans pouvoir escalader les
montagnes.
En 925, une juive, nommée Sague, mais qui prit le nom d’Esther, aidée de ses coreligionnaires, s’empara du trône par un coup demain et établit une monarchie juive, qui se maintint jusqu’en 1255 ; le moine Técla Haimanout, à cette époque, persuada le descendant d’Esther d’abdiquer en faveur du roi légitime Jean Amlac, qui régnait à Choa, où s’était réfugiée, en 925, la famille royale. Dès lors, tous les efforts des Abyssins se tournèrent contre les musulmans, toujours appuyés par les Félacha, qui avaient vu la restauration des rois chrétiens avec regret. Sous le règne de Amda-Siou (1301-1331), les musulmans furent chassés de la côte et presque exterminés. Les chrétiens ne jouirent pas longtemps de leur victoire ; en 1538, Mohammed le Gaucher, prince de Zéila, battit les chrétiens, s’empara d’Aksoum qui fut brûlé ; cette ville ne se releva jamais de cette destruction. La capitale fut transportée à Gondar. La lutte n’en devint que plus acharnée, mais les chrétiens ne paraissaient plus capables de résister aux infidèles. En 1402, le roi Isaac avait accueilli les chrétiens fuyant l’Egypte pour échapper au sabre des musulmans. — Parmi ces réfugiés se trouvait un kopte, Fakhr-el-Daoulet, homme d’un rare talent, qui obtint bientôt la faveur royale ; il réforma l’administration, répartit mieux les impôts et donna un nouvel essora l’industrie ; mais, malgré ce développement, les Abyssins, comprenant qu’ils ne pouvaient plus, seuls, résister aux musulmans, appelèrent à leur aide les Portugais et le sultan de Harrar fut battu. L’aide des Portugais fut chèrement achetée ; car les moines qui les accompagnaient, en s’efforçant d’attirer les rois vers l’Eglise romaine, semèrent la discorde dans le pays. Les rois abyssins se laissèrent persuader, mais le peuple ne voulut pas les imiter et resta fidèle à l’Eglise copte. Enfin, sous le règne de Sertza-Denghel, une révolte éclata et, en 1632, le roi Socinios abdiqua la couronne, ce qui mit fin aux discordes religieuses ; les moines catholiques furent expulsés. La lutte entre les chrétiens et les musulmans durait toujours ; mais ceux-ci, ayant perdu leur enthousiasme, ne purent regagner le terrain perdu. Les Abyssins, de leur côté, toujours dans l’anarchie, ne pouvaient que garder la défensive. Vers la fin du xviie siècle, les rois de Choa se déclarèrent indépendants ; depuis lors cette province a constitué un royaume indépendant beaucoup plus solide que celui d’Abyssinie, sans doute parce que le pouvoir y est plus centralisé.
À partir de ce moment, le négus d’Abyssinie (Negousa-Nagast, c.-à-d. roi des rois) voit son autorité décroître ; les provinces se détachent une à une et sont complètement indépendantes en fait. Les trois principaux États, mais non les seuls, étaient le Tigré, l’Anihara, le Choa. Telle était la situation vers 1850, quand Râs-Ali, qui administrait l’Anihara au nom du négus, fut attaqué et renversé par un gouverneur de ville, du nom de Kâsa. Ce dernier conquit successivement l’Amhara (1852), le Tigré et le Choa (1855). Il se fit couronner empereur d’Ethiopie sous le nom de Théodoros III (1855). Il établit sa capitale à Ankober, occupa Magdala et vainquit les Galla. À l’apogée de sa carrière, Théodoros forma les plus vastes projets ; il voulait refouler les musulmans, créer un grand empire éthiopien. Il réunit jusqu’à 150, 000