l’activité. Celle-ci en effet a besoin de relâche ; mais le
loisir n’est pas la fin du travail, c’est le travail qui est
la fin du loisir. Le loisir doit être consacré à l’art, à la
science, de préférence à la philosophie. — 2. Qu’est-ce
maintenant que la vertu, principe du bonheur, et quelles
sont les vertus principales ? La vertu est une habitude
caractérisée par la réalisation parfaite des puissances
de l’homme. Or la nature humaine est double, intellectuelle
et morale. La partie intellectuelle a pour objet
le nécessaire, et est immobile ; la partie morale désire,
agit, en tant qu’elle est en rapport avec le contingent. Il
y a par suite deux sortes de vertus : les vertus dianoétiques
ou intellectuelles, et les vertus éthiques ou morales.
Les vertus dianoétiques sont les plus élevées ; elles ne
s’acquièrent pas par un effort de la volonté, mais par
l’instruction. La vertu qui donne la plus haute félicité est
la science en contemplation. Elle est la plus noble des occupations
de l’homme, parce que le vous qui en est l’organe
est ce qu’il y a de plus divin. Elle est l’activité la plus
désintéressée, celle qui fatigue le moins et admet le plus
la continuité. Elle est la plus calme, celle qui se suffit le
mieux à elle-même. C’est par la science que l’homme se
rapproche le plus de la divinité. Il ne faut donc pas suivre
les conseils de ceux qui veulent que l’on n’ait que des
sentiments humains, parce qu’on est homme, et que l’on
n’aspire qu’à la destinée d’une créature mortelle, parce
qu’on est mortel. Nous devons nous appliquer autant qu’il
est en nous à nous rendre dignes de l’immortalité. Mais
la félicité suprême liée à la possession de la science parfaite
n’est donnée à l’homme qu’à de rares instants. Ce
qui lui convient véritablement, ce qui est proportionné à
sa condition d’esprit uni à un corps, ce sont les vertus
éthiques ou morales. La vertu éthique est une disposition
ou habitude de l’âme, tendant à choisir en toutes choses
le juste milieu qui convient à notre nature, et que détermine
le jugement pratique de l’homme intelligent. C’est une
habitude, une manière d’être de la volonté. Socrate, en en
faisant une science, oubliait que, dans la question de la
vertu, il ne s’agit pas de la connaissance des règles morales,
mais de leur réalisation. Il faut, pour constituer la
vertu, non seulement une détermination de la volonté,
mais une manière d’être durable, une habitude. Toute
vertu, de plus, est un milieu entre deux vices, milieu qui
est d’ailleurs relatif à l’individu. Autre est la vertu d’un
homme, autre celle d’une femme, ou d’un enfant ou d’un
esclave. Il faut également tenir compte du temps et des
circonstances. Le courage est en ce sens un milieu entre
la témérité et la lâcheté ; la magnanimité est un milieu
entre l’insolence et la bassesse, et ainsi de suite. Enfin,
c’est l’homme de bien qui est la règle et la mesure du bien
dans chaque cas particulier. Les règles en effet ne déterminent
que le bien en général. Dans chaque cas qui se
présente, il y a quelque chose de singulier qu’elles n’ont
pu ni n’ont dû prévoir. Le jugement vivant et universel de
l’homme d’élite supplée à leur insuffisance. — Aristote étudie
en détail toutes les différentes vertus dianoétiques et morales.
Les vertus dianoétiques sont toutes les habitudes parfaites
de la partie intelligente de l’âme. Or l’intelligence a
deux degrés : l’intelligence scientifique et l’intelligence
logistique. Les vertus de l’intelligence scientifique sont :
1° le vou ;, qui connaît les principes des choses ; 2° la
science, qui déduit de ces principes les vérités particulières.
La réunion du vofiç et de la science constitue la sagesse
(co ? t’a). Les vertus de l’intelligence logistique sont :
1° l’art ou capacité de produire en vue d’une fin ; 2° le
jugement ou intelligence pratique. Les vertus morales sont
aussi nombreuses qu’il y a de relations différentes dans la
vie humaine. Ces relations étant en nombre indéterminé,
il n’y a pas de liste complète possible des vertus morales ;
à plus forte raison ces vertus ne sauraient-elles se réduire à
un seul principe, comme chez Platon. Aristote étudie les vertus
morales les plus importantes : ses dissertations sont très
remarquables, pleines de fines observations de psychologue
et de moraliste. Ses analyses de la justice et de l’amitié
méritent particulièrement d’être citées. La justice est,
selon lui, le rétablissement de l’égalité proportionnelle ou
vraie dans la vie sociale. L’équité est plus parfaite que la
justice, parce que, tandis que celle-ci ne considère les actions
qu’à un point de vue général et abstrait, l’équité tient
compte de ce qu’il y a de propre à chaque action particulière.
C’est un achèvement nécessaire de la justice, la loi
ne pouvant prévoir tous les cas. C’est la justice concrète
et actuelle, superposée à la justice abstraite et encore indéterminée.
L’amitié est la suprême justice, une justice
délicate et accomplie, où la règle aveugle et morte est
entièrement remplacée par l’intelligence vivante de l’homme
de bien. Il y a trois sources d’amitié : le plaisir, l’intérêt
et la vertu. La vertu seule fait les amitiés stables.
XXI. Economique (Source : Ethique et Politique, 1er livre. Il existe sous le nom d’Aristote des Οίκονομικά qui ne sont sans doute pas authentiques). — L’homme, par la vie de famille, atteint un degré de perfection supérieur à celui que comporte la vie individuelle. La famille est une société naturelle. Elle comprend trois sortes de relations : la relation d’homme à femme, celles de parents à enfants, et celle de maître à esclave. Le rapport familial de l’homme à la femme est un rapport moral d’amitié et de services réciproques. La femme a sa volonté propre, sa vertu, qui n’est pas celle de l’homme : elle doit être traitée, non en esclave, mais en personne libre. Toutefois, la perfection de la femme étant moins grande que celle de l’homme, celui-ci doit avoir autorité sur elle. La famille est une aristocratie, ou communauté d’êtres libres chargés d’attributions différentes. La femme, libre compagne de l’homme, doit avoir dans la maison son domaine où l’homme ne s’ingère pas. Le rapport des parents aux enfants est un rapport de roi à sujets. Parents et enfants forment une monarchie. L’enfant n’a, vis-à-vis du père, aucun droit, car il est encore une partie du père ; mais le père a le devoir de veiller au bien de son enfant, car l’enfant a, lui aussi, sa volonté et sa vertu, bien qu’imparfaites. Le père doit communiquer sa perfection au fils, et le fils s’approprier la perfection du père. L’esclavage est de la part d’Aristote l’objet d’une étude particulière. Il en démontre la nécessité et la légitimité, et détermine la manière dont on doit traiter les esclaves. L’esclavage est nécessaire, car la maison a besoin d’ouvriers vivants intelligents. L’esclavage est légitime. En effet, étant donné. un être qui n’est propre qu’aux travaux corporels, cet être est la possession légitime de celui qui est capable des fonctions intellectuelles : le rapport du premier au second est celui de la matière à la forme. Or, un tel rapport existe, entait, entre les Barbares et les Grecs. Ainsi, l’homme libre est le propriétaire de l’esclave ; il n’en doit pas moins considérer que l’esclave est un homme, et le traiter comme tel.
XXII. Politique (Source : la Politique). — La Politique d’Aristote traite : 1° de l’Etat en général ; 2° des Constitutions. — 1. La politique est la fin et l’achèvement de l’économique, comme celle-ci est la fin prochaine de la morale. L’individu ne peut arriver par lui-même à la vertu et au bonheur. Or dans la nature même de l’homme git le penchant à la vie sociale. Ce genre de vie, qui est pour l’homme une condition d’existence, est aussi un moyen de perfectionnement moral. La politique, qui trace l’idéal et les règles relatifs à la communauté humaine, est ainsi étroitement liée à la morale : elle est le tout dont la morale et l’économique sont les parties, l’acte dont elles sont la puissance. Politique est le vrai nom de toute science pratique. La philosophie doit tracer l’idéal de la politique ; mais, de même que la morale, dans l’application, tient compte des individus, ainsi la politique appliquée tiendra compte des circonstances. — Comment se forme l a société politique ? Selon l’ordre du temps, la première société qui se forme est la famille. Puis, se produit l’union de plusieurs familles, ou xoSp]. L’Etat, ou cité (-oÀ-. ;). vient enfin ;