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SABE1SME — SABELLIAN1SME

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mot se perdit, au point qu’une audacieuse supercherie put : transporter la nom conservé par le Coran à la population d’une ville de la Mésopotamie, septentrionale, Harran. On sait que le Coran accordait la tolérance aux « peuples du Livre » et ordonnail l’extermination des idolâtres. En 830, le khalifeÉl. Mamoun, s’ approchant de Harran, constatant que les habitants n’étaient ni musulmans, ni juifs, ni chrétiens, les menaça des peines réservées aux païens ; effrayés, ils s’adressèrent à un jurisconsulte musulman qui, en échange d’une somme d’argent, leur donna le conseil salutairede se déclarer Çabiens, pour bénéficier de l’égalité de traitement établie par Mohammed entre cette secte, tombée dans l’oubli, et les juifs et chrétiens. Le subterfuge réussit. Bien que tous les contemporains ne fussent pas dupes, les llarraniens pratiquèrent deux siècles encore, sous le couvert de la dénomination usurpée, leur culte national. Ce fut même pour le harranisme (harraniya, comme l’appellent justement les auteurs arabes bien informés) une période de brillant développement intellectuel, sous la direction d’une remarquable école philosophique : établi à Harran et dans les localités voisines de Selemsin et de Tar nuz, à Edesse, à Haqqah, peut-être à Ba’albelc, il envoya à Bagdad une colonie qui fournit à la cour des khalifes des médecins et hommes d’Etat de talent. Désorganisé par le contact de l’islam, il disparu ! vers le milieu du xi c siècle.

L’étude de la religion aranienne (pseudo-çabienne) présente des difficultés particulières. Les ouvrages consacrés par les llarraniens à l’exposition de leurs doctrines et de leur culte ayant disparu, nous sommes réduits aux relations parfois contradictoires d’écrivains musulmans, juifs ou chrétiens, dont L’impartialité et la bonne information ne sont pas toujours au-dessus de tout doute. D’autre part, pour justifier leur « possession d’état » de çabisme, les llarraniens durent afficher les croyances inbérentes aux religions révélées ; ils déclarèrent admettre un dieu unique, dont leurs dieux particuliers n’élaienl que des créations ; ils transformèrent en prophètes envoyés de Dieu, sous le nom deSethet d’idris, leur Àgalbodemon el leur Hermès, auxquels ils attribuèrent de prétendus livres révélés. Le livre capital de Cbevolsobn a déterminé ces éléments adventices, en même temps qu’il a éliminé une autre sérielle renseignements ; indépendamment de son usurpation par les gens de Harran, le mot de çabisme a en effet pris, sous la plume des écrivains arabes, une extension abusive, et s’est appliqué aux formes les plus diverses du paganisme ; c’est ainsi qu’il en est venu à désigner, jusque chez les modernes, un prétendu culte des astres qui ne répond à aucune réalité historique définie. A ne considérer que les textes qui ont réellement eu vue la religion particulière à Harran, on distingue dans celleci une métaphysique d’origine grecque (comme les savants arabes l’ont reconnu) et une religion populaire qui a conservé des éléments empruntés au vieux paganisme sémitique. Une heptade de Dieu présidait aux sept jours de la semaine : dans le Fihr&t^eï-Quloum de Mohammed ibn Ishaq-en-Nedin ils portent les noms mi-partie helléniques et grecs de Ilios (llélios), Sin, Ares, Nahûq, Bal, Baltbi, Kronds, mais ils recevaient encore d’autres désignations : à coté d’eux on cite Sahemal qui est vraisemblablement identique à Bios, llaman, le père des dieux, le seigneur de la fortune, etc. Le culte de Taouz ( ?) était particulier aux femmes. Le culte comportait des prières journalières, au nombre de trois : des fêtes périodiques, marquées par des sacrifices ; des jeûnes partiels, pendant lesquels on s’abstenait notamment d’aliments gras et de vin ; des mystères. Parmi les rites, il faut indiquer celui signalé parles auteurs, avec un grand luxe de détails, du sacrifice humain en l’honneur de Scbemal, exécuté dans un but cominuniel. Bien que l’existence d’une pareille cérémonie ne soit pas invraisemblable (le fait est attesté par des textes certains, pour la Syrie du Nord, postérieurement à l’ère chrétienne), on ne saurait la considérer comme éta^ blie : en effet, l’épisode raconté par la chronique syriaque attribuée à Denys de Tell-Mahré est une simple variante de la légende du meurtre rituel qu’Apion reproche aux juifs ; et on doit se demander comment les llarraniens auraient pu être tolérés si longtemps, si la pratique, en abomination à l’islam, que leur reprochent leurs adversaires, avait été connue avec certitude. Les pratiques magiques et divinatoires jouaient un grand rôle. Les morts étaient honorés à la fois par un sacrifice annuel (comburation d’aliments destinés aux défunts et par le procédé le plus récent de la prière.

A quelle date remonte la religion de Harran ? Chevolsolin croyait y retrouver l’ancien paganisme sémitique, seulement influencé à la surface par l’hellénisme. Depuis que nous connaissons mieux les vieilles religions indigènes, il n’est plus possible de penser ainsi : le panthéon harranien que nous révèlent les textes arabes n’a rien, ou peut s’en faut, de commun avec les vieux dieux du pays qui nous apparaissent encore, au début du vi e siècie, dans Jacques de Saroug, sous les noms de Sin, Be’el-Schamin, Tar’ata et d’autres moins connus ; le harranisme, avec son panthéon à caractère astral, ne s’est constitué, ou plutôt n’est devenu religion publique et officielle, que postérieurement à cette date ; en effet, le catalogue des grands prêtres de Harran ne commence qu’à l’année 993 > et Thabit ibn Ahousa, qui ouvre la liste, est appelé expressément le premier de la série ! Epigone tard venu, comme le noçairisme qui lui est apparenté, le pseudo-çabisme de Harran est un des derniers fruits du mouvement philosophique et religieux d’où étaient sortis le gnosticisme, l’alexandrinisme et l’astrologie sémitico-hellénique. Isidore Li.vv. Bibl. : Sur les Çabiens du Coran. WixiiAUftrx, RejS/S arahièçtien Heidenthvjfis ; lie clin, 1897, pp.’-iJfi et suiv.,2’ éd.

— Sortes Pseudo-Çabiens de Harraa : Chevolsohn, pie Ssabierund der8sa.bisvp.usi SainfcPétereboupg, ls.’iti. iSvûL Ii’j/v el dis Gog.ie, Mémoire... contenant de noueeuu.ï ’inriiiiicnis pour l’étude de la religion des Harraniens ’actes du 6" Congrès international des orientalistes. 2" partie, section sémitique ; Leyde, 1885 . — Dussaub, Histoire el religion des Nosairis ; Paris, luiio.

SABELLA (Annélides) (V. Sabelliens).

SABELLIANISME, SABELLIENS. Les chrétiens donnai } ! au Christ le nom de Fils i>e Dieu, les païens étaient naturellement disposés à l’assimiler aux nombreux fils de leurs dieux. Il est vraisemblable que cette conception, qui était la forme primitive de leur pensée, subsista en partie che/ eux, après leur conversion, et qu’un instinct héréditaire la transmit à leurs enfants. D’autre part, les gnostiques expliquaient la nature divine du Christ par leur théorie des émanations. Comme le contact des idées, même de celles que l’on combat, laisse toujours quelque impression, il est probable que l’idée gnostique de l’émanation exerça quelque influence sur la pensée chrétienne. Ces tendances provoquèrent chez certains chrétiens une réaction monothéiste, repoussant tout ce qui semblait altérer l’unité divine. Cette protestation aboutit à deux conséquences fort opposées, quoique toutes deux continent foncièrement au monurohisme, puisqu’elles concluent pareillement à l’unité absolue de la divinité. L’une, que plusieurs théologiens appellent doctrine adoplicinic, déniant au Christ une nature essentiellement divine, fait de lui un homme né ou placé dans des conditions spéciales, et dans Lequel a opéré une force divine particulière (V. Aloges, Ai ; i imo.n, Ebionites, Paui. de Samosate). L’autre, nommé parfois doctrine modaliste, affirme à l’inverse que les trois termes de la formule sacramentelle du baptême : Pt.it t :. Fils et Saint-Esprit, ne correspondent point à des personnalités distinctes, mais seulement à trois extensions successives de la même unité, à trois modes de la mémo existence (V. MoNARCHlEffS, NoËT, PiUXÉAs). Ce qu’on appelle le Sabellianismb présente la forme la plus achevée et la plus ingénieuse de cette doctrine.

Les renseignements sur la personne de Sarei.lils sont fort incomplets et fort confus. Il parait certain qu’il fut membre de l’Eglise de Rome. Peut-être était— il Italien.