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SAINT-SIMON

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de Berry, petit— liis du roi (6 juil. 1710), sa fomme fut nommée dame d’honneur de la nouvelle duchesse de Berry. Par les ducs de Beauvillier el de Chevpeuse, ses grands amis, il était aussi entré dans l’intimité du jeune duc de Bourgogne et lui inculquait les idées de réformes politiques sur lesquelles depuis longtemps il méditait. Le plan de Saint-Simon consistait à rendre à la noblesse son influence politique, en l’introduisant dans des conseils, qui auraient remplacé les ministres. Aussi, après la mort du grand dauphin (14 avr. 1711), ce prince étant devenu le futur héritier de la couronne, tous les yeux se tournèrent sur Saint-Simon, qu’on supposait appelé à une grande fortune politique. Ce fut la période brillante de la vie de Saint-Simon : elle fut courte, et la mort foudroyante du duc de Bourgogne (18 févr. 1712) anéantit ses grandes espérances. La mort de Louis XIV (1 er sept. 1715)en fit un des conseillers les plus écoutés du duc d’Orléans, dont il avait toujours été le défenseur et qui ne lui en voulait pas de l’avoir décidé à rompre avec sa maîtresse, M me d’Argenton, pour plaire au roi. Saint-Simon aurait voulu qu’il convoquât les Etats généraux pour se faire décerner par eux la régence ; ce prince se contenta de demander au Parlement de casser le testament de Louis XIV. Mais il créa les conseils de gouvernement, préconisés par Saint-Simon, qui fut nommé membre du conseil de régence. Aimant peu l’action, il ne voulut être ni garde des sceaux, ni chef du conseil des finances. Il se contenta en 17*21 de l’ambassade de Madrid, où il alla, non pas négocier la grande affaire du double mariage de Louis XV avec une infante et de M 1 ’ d’Orléans avec Don Carlos, ce qui avait été l’œuvre de Dubois, mais simplement faire la demande officielle do la main de l’infante. Cette ambassade dura six mois et valut à Saint-Simon la l’oison d’or pour son lils aîné, et la grandesse pour lui-même et pour son second fils. Très considéré par le régent, il fut peu écouté de lui. Cependant la mort de Dubois (10 août 1723) allait, selon toute apparence, lui donner une influence plus effective, lorsque, le régent lui-même mourut (2 déc.) ce qui mit fin désormais pour lui à tout rôle politique. Bientôt même le cardinal Fleury lui donna à entendre qu’il devrait s’éloigner de la cour. Il n’avait pas besoin de cet avis. Le dégoût de ce qu’il voyait aurait suffi. Les trente-deux dernières années de la vie de Saint-Simon se passèrent dans la retraite, surtout dans son château de La Ferté, ne venant que trois ou quatre fois par an à Versailles, et furent assombries par la mort de sa femme qu’il aimait tendrement et dont il a fait souvent l’éloge dans ses Mémoires (1743), et par celle de ses deux fils, qui ne laissaient après eux aucune postérité mâle. Ainsi s’écroulait sa plus grande ambition, relie de transmettre sa duché-pairie et sa double grandesse d’Espagne. Sa grande occupation comme sa seule joie fut d’écrire ses mémoires. L’idée lui en était venue très jeune, en lisant ceux de Bassompierre, et il s’y mit presque dès son entrée à l’armée en 1001 ; il s’en ouvrit même peu après à l’abbé de Kancé au sujet de certains scrupules à cet égard. Il ne parait pas qu’il en fit dès cette époque une rédaction suivie, se contentant de prendre des notes nombreuses, détaillées sur tout ce qu’il voyait. La communication qu’il eut en 1730 du Journal de Dangeau lui donna l’idée d’adopter la même forme sinon le même titre. Celte rédaction où il suivit l’ordre chronologique et pour laquelle il usa largement de Dangeau , qu’il copie même souvent, il la commença vers 1740, à soixante-cinq ans. Un premier point .a constater, c’est donc que ses mémoires fuient écrits longtemps après les événements qu’ils racontent, mais fondus avec les notes prises antérieurement et qu’il mit alors en ordre. L’ 'Histoire des grands officiers, du P. Anselme, lui servit beaucoup aussi pour les détails généalogiques qui ont chez lui une si grande importance. Les remarques qu’il fit sur Dangeau — dont il s’était fait copier un exemplaire — furent comme un premier essai de mémoires. En réalité, ses mémoires sont comme un journal de Dangeau, mais auquel il ajoute des portraits, avec tout ce que lui suggère la volonté de dire aussi les causes, les effets, d’approfondir les dessous des événements, avec sur le tout un reflet de ses idées sur le gouvernement, de ses méfiances, de ses haines ; car, comme Alceste, il a des haines vigoureuses. L’impartialité n’est pas sa qualité, il l’aurait estimée lui-même un défaut. Ceux qu’il hait, qu’il poursuit, c’est Mazarin, le duc de Noailles, Desmarets, le P. P. de Mesmes, Villars, Ponchar train, mais avec moins de suite, le duc du Maine, tous les bâtards, M’ 1 "’ de Maintenon. Mais il sait aussi admirer ses héros, ce sont : les maréchaux de Lorges, son beau-père, de Choiseul, de Boufflers, Vauban, les ducs de Beauvillier et de Chevreuse, — Puységur, Chainlay, Luxembourg, Vendôme, il les méconnaît, quand il ne les invective pas. Chéruel et le P. Blear ont relevé, dans deux livres spéciaux, bien des erreurs de fait ; on en trouve la preuve encore dans les notes de M. de Boislisle. Ce grand peintre doit donc être contrôlé de près. Il faut aussi remarquer que Saint-Simon n’eut aucun rôle politique de 1691 à 1715, et même un très restreint sous la Régence. II a vu l’extérieur des choses, et il a écouté pour le reste. Ajoutons qu’il savait habilement sonder les gens ; ainsi fit-il pour le marquis de Louville, M’ ne des Ursins, Chamillart, Torcy, la maréchale de Bochefort, M me de Blansac, les filles de Chamillart, et même les valets comme Bontemps, les médecins comme Maréchal. La première édition de ses mémoires parut sous ce titre : Mémoires sur le règne < !<• Louis XIV et sur les premières époijues des règnes suivants (Marseille. 1788. 3 vol. in-8), auxquels s’ajouta l’année suivante Supplément aux Mémoires de Saint-Simon, sur le règne de Louis XIV (Paris, 1780, 4 vol. in-8) ; cette publication était due à Soulavie. Deux ans plus tard parurent : Œuvre complète de Louis de Saint-Simon pour servir à l’histoire des cours île Louis XIV (Strasbourg et Paris, 1791, 13 vol. in-8). Mais ce n’était encore que des extraits tronqués, défigurés. Cependant .1. Ché nier disait plus tard de ces mémoires : « Ils se font remarquer par la franchise du style et par de curieux détails ». Deux autres éditions de même nature parurent en 1818 et 1820 (Paris, G vol. in-8). La première édition conforme aux manuscrits, fut donnée par le possesseur même de ceux-ci, le marquis de Saint-Simon : Mémoires complets et authentiqués sur le siècle de Louis XIV el la Régence, publiés pour la première fois sur le manuscrit original de la main de routeur (Paris, 1820-30, 21 vol. in-8 ; reproduite en 1840-41, Paris, 40 vol. in-12, avec 38 portraits). Mais la véritable première édition scientifique est celle qui, vingt-six ans plus tard, fut donnée par Chéruel sous ce titre : Mémoires de Saint-Simon, collationnés sur le manuscrit original, précédés d’une notice par Sainte-Beuve (Paris, 1856-58, 20 vol. in-8, avec portrait authentique, et reproduits dans le format in-12 ; Paris, 187i !-77. 22 vol.). Depuis il a été donné de ces mémoires, compris dans la belle collection des Grands Ecrivains de la France, une édition véritablement monumentale par A. de Boislisle, avec notes et commentaire perpétuel, adjonction des Additions de Saint-Simon au Journal de Dangeau (parues en 1854-58) et de très considérables appendices formés par des emprunts aux écrits inédits de Saint-Simon et des éclaircissements historiques sur d’importants passages des mémoires. Commencée en 1870 (Paris, in-8 et grand in-8 avec portraits), cette édition est parvenue (1000) à son treizième volume. Elle est la réalisation du voeu formé par Montalembert en 1862. En 1834 ont paru, dans la Revue des Deux Mondes. (15 nov.) Louis XIII et Richelieu, et, dans la Revue rétrospective (t. Il, p. 44), deux Méandres remis au Régenl pour le détourner de faire des ducs ; et, en 1859, Projets de gouvernement du duc de Bourgogne, dauphin. Mémoire attribué au duc de Saint-Simon et