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SCHLEIDEN — SCHLEIERMACHER

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parmi lesquels Handbuch der medicinisch-pharmaceutischen Botanik (Leipzig, 4852-57, 2 vol. in-8), et avec Niegeli le Zeitschrift fin wissensch. Botanik (Zurich, 4844-46). Entin, il a fait paraître des poésies sous le pseudonyme d’Ernst. D 1 ’ L. Hn.

SCHLEIERMACHER (Friedrich-Ernst-Daniel) , philosophe et théologien allemand, né à Rreslau le 24 nov. 4768, mort à Berlin le 42 févr. 4834. Il fut élevé aux collèges de Niesky et de Barby par la congrégation des Frères moraves, dont il ressentit toute sa vie l’influence morale. Après avoir étudié la théologie à l’Université de Halle, il fut trois ans précepteur dans la famille du comte Dohna-Schlobitten (4790-93). I ! vint achever durant un an ses études de théologie au séminaire de Berlin, exerça dix ans la prédication (1794-1804), d’abord à LandsLerg, puis dans un hôpital de Berlin, entin à Stolpe. De 4804 à 1806, il enseigna la théologie et la philosophie à l’Université de Halle. Mais les événements militaires l’obligèrent à se retirer à Berlin ou il travailla, avec Fichte, au relèvement du patriotisme allemand. En 1810, à la fondation de l’Université de Berlin, il fut investi de la chaire de théologie, qu’il occupa jusqu’à sa mort. Il faisait en même temps des cours libres sur l’histoire de la philosophie. En 4814, l’Académie des sciences de Berlin lui ouvrit ses portes. En 1817, il présida le synode réuni à Berlin en vue de réconcilier les églises réformées et luthériennes ; vSchleiermacher rêvait d’établir entre les confessions protestantes une union très large, qui reconnaîtrait aux prédicateurs et aux paroisses la plus grande liberté de croyance et de culte. Il ne réussit pas à faire triompherce point de vue, et la résistance qu’il ne craignit pas d’opposer à ce sujet au ministre Altenstein, aussi bien que ses opinions libérales, lui valurent durant de longues années l’opposition des pouvoirs publics. 11 n’en exerça pas moins comme prédicateur, professeur et écrivain, la plus bienfaisante influence sur le mouvement des idées de son temps. Ed. Zeller voit en lui, non seulement le plus grand tbéologien protestant depuis la Réforme, mais encore l’un des excitateurs les plus puissants du libéralisme allemand. Les œuvres complètes de Schleiermacher ont été publiées à Berlin (4835-64) sous trois rubriques : Théologie, Serinons, Philosophie et écrits divers. Les principaux sont : Reden iïber die Religion (Berlin, 4799, souvent réédité, notamment parPunjer, Brunschwig, 1789 ; trad, en anglais par G. Omen, Londres, 4894) ; Monologen (Berlin, 4 800, souvent réédité) ; Grundlinien einer Kritik der bisher. Sittenlehre (Berlin, 4803) ; Der christl. Glaube nach den Grundsâtzen der evang. Kirclie (Berlin, 4824-22, souvent rééd.)- Parmi les œuvres posthumes, fort nombreuses, éditées dans les œuvres complètes du philosophe, citons : Gesch. der Philos. ; Entwurf einer System der Sittenlehre (édité par Sehweizer, 4835) ; Dialektik (édité par Jonas, 1839) ; Grundr. der philos. Ethik (édité par Twesten, 4844). Sa correspondance, fort nombreuse et intéressante, a été éditée par W. Dilthey (Berlin, 1838-63, 4 vol.). On doit aussi à Schleiermacher une excellente, traduction d’une partie des œuvres de Platon (Berlin, 1804-28, 3 vol. souvent réédités), et un grand nombre de travaux critiques de haute valeur sur la philosophie ancienne, publiés dans les Mémoires de l’Académie de Berlin, entre autres des dissertations sur Heraclite, Anaximandre, Diogène d’Apollonie, etc.

Schleiermacher attribue lui-même à Platon l’influence prépondérante qui a déterminé l’orientation de sa pensée. Mais ou reconnaît aisément dans sa philosophie l’action de ses maîtres moraves, de son professeur de Halle, le piétiste Semler, de Spinoza, et plus tard de Leibniz, enfin de ses grands contemporains, Kant, Jacobi, Fitche et Schelling, entre lesquels il conserve cependant une physionomie très originale.

Le premier ouvrage de Schleiermacher, Discours sur la religion, est aussi le plus important. Il y définit l’essence ’ de la religion. Avec Kant, il refuse aux dogmes théologiques une valeur scientifique, mais il recounaiten l’homme, à côté du savoir et de l’action, qui cherchent à réaliser à leur manière l’unité du moi et de l’infini, une tendance purement sentimentale à réaliser cette unité. L’homme religieux a le sentiment, le goût de l’infini ; il a la conscience immédiate que tout le fini trouve sa raison d’être dans l’infini, et sympathise ainsi avec l’esprit universel, avec l’unité divine. Entre Dieu et lui, il trouve une première manifestation progressive de l’esprit infini dans l’humanité considérée tout entière, dans l’ensemble de son développement historique. Si, d’ailleurs, elle ne s’identifie pas avec la science et l’action, la religion leur est étroitement associée. La science développe notre connaissance de l’infini, et l’action artistique ou morale n’a de sens que par rapport à l’activité universelle dans laquelle elle s’insère. La véritable immortalité consiste à se sentir un avec l’infini et l’éternel.

L’Eglise est la communauté de tous les esprits qui ont conscience de leur unité dans l’infini. On comprend dès lors que les diverses religions positives sont des formes individuelles de la religion universelle, formes nécessaires, car la religion dite naturelle et rationnelle n’est qu’une abstraction vide. Toutes sont, à des degrés divers, des manifestations de l’esprit. Le judaïsme, le premier, en reconnaissant le gouvernement d’un Dieu unique, a aperçu les rapports d’action directe qui unissent la totalité de l’infini à chaque être particulier. Le christianisme a complété cette vue en montrant, dans le dogme de la chute, la résistance du fini contre l’infini, et, dans celui de la rédemption, la réconciliation du fini et de l’infini. Dans les Monologues, qui rappellent la Destination de l’homme de Fichte, Schleiermacher développe cette idée que la fin de chaque individu est de représenter l’humanité, c.-à-d., en somme, l’esprit sous la forme originale qui convient à son caractère propre. L’esprit libre est souverain en présence de la nécessité physique et doit s’affirmer dans les existences individuelles. Mais cette individualité n’exclut pas la solidarité entre les personnes ; elle la suppose au contraire, et l’amour est la condition indispensable de l’achèvement de la personnalité. La dialectique détermine les conditions du savoir. Celui-ci consiste dans l’accord simultané de l’esprit avec l’objet et des esprits entre eux. La pensée résulte du concours de la sensibilité et de l’activité intellectuelle, incapables, l’une et l’autre, de constituer à elles seules une connaissance. La forme la plus parfaite de la pensée est l’intuition, qui se réalise quand l’esprit aperçoit un objet dans son rapport avec le tout. Comme Schelling et Hegel, Schleiermacher admet l’unité absolue de l’être et l’identité foncière de la pensée et du réel. L’idée de Dieu est celle de l’unité absolue du réel et de l’idéal à l’exclusion de toute contradiction ; l’idée du monde est celle de l’unité relative du réel et de l’idéal sous forme de contradiction. On ne peut donc dire ni que Dieu soit identique au monde, ni qu’il en soit séparé ; le monde est simplement dépendant de Dieu, en tant qu’il est déterminé par une loi naturelle nécessaire. En reconnaissant ce rapport de simple dépendance, Schleiermacher espère échapper au panthéisme. D’ailleurs le concept de Dieu dépasse toute pensée comme toute expression humaine. La religion repose précisément sur ce sentiment de dépendance, immanent au fond de toute idée et de toute affection. Elle est la plus haute fonction subjective de l’esprit, comme la philosophie en est la plus haute fonction objective. La loi morale doit réaliser l’accord de la raison et de la nature. H est vrai qu’on ne conçoit guère la liberté dans un système aussi rigoureusement déterministe. Aussi n’est-elle, pour Schleiermacher, que le développement interne de la force tirant de son unité une multiplicité de phénomènes. Cependant, il affirme vigoureusement les droits de l’individu. Chacun doit chercher à s’assimiler à la communauté humaine, tout en restant ou en devenant soi-même