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dramatique ; introduction du troisième interlocuteur, offrant de nouvelles ressources à l’action devenue plus régulière, vive et entraînante, mieux inventée, disposée et conduite ; mode de composition à la fois savant, souple et sobre, capable de contrastes tranchés, quoique adroitement ménagés, et de nuances exquises, fournies par l’âme même des protagonistes ; vérité idéale et diversité typique des caractères, opposés souvent deux à deux (Antigone et Créon, Électre et Clytemnestre, Teucer et Ménélas, Œdipe et Créon). Insistons, en outre, sur la haute moralité de ce théâtre, et signalons, en passant, la part ingénieuse, encore que restreinte, donnée aux morceaux lyriques débités par le chœur, dont les strophes, moins amples, moins pompeuses que chez Eschyle, expriment toujours avec modération, force, grâce ou naïveté ce que la situation comporte et suggère. Dion Chrysostome a donc raison de louer (Disc., LVI), après Aristophane (Paix, v. 531), cet « agrément merveilleux qui s’unit à la grandeur, ἡδονήν θαυμαστὴν καὶ μεγαλοπρέπειαν ». Quant au style, il est tout ensemble naturel, aisé, vigoureux, enchanteur ; c’est un langage hardi, nerveux, concis, où s’associent à miracle, comme dans l’idiome racinien, lyrisme sonore, harmonie et correction irréprochables, noblesse splendide, éloquente familiarité. La phrase, tour à tour âpre, incisive, véhémente, altière, indignée, ou plaintive, caressante, tendre, mélodieuse, présente le plus pur, le plus parfait modèle du ton qui convenait à la tragédie descendue du ciel sur la terre à l’apogée de cette période, adorable entre toutes, de l’hellénisme triomphant, que la postérité nomma le siècle de Phidias et de Platon.

Victor Glachant.

Bibl. : Manuscrits et scolies. L’archétype est le manuscrit de la Bibliothèque Laurentienne de Florence (Bibl. Laur., plut., 32. 9 ; xe ou xie siècle, Laurentianus L de Dindorf, assez incorrect, mais base indispensable de tout travail critique) : il contient aussi de beaucoup les meilleures scolies, qui furent complétées et corrigées à l’aide du Florentinus G. Il existe, de plus, un nombre considérable de scolies byzantines. Celles du manuscrit L parurent pour la première fois dans l’édition de 1518 (Scolies romaines) ; principales recensions par Brunck (1786), Elmsley et Gaisford (1825). À citer encore : Dindorf, Scholia in Sophoclem ; Oxford, 1852, 2 vol.

Éditions et lexiques. L’édition princeps fut donnée à Venise par les Aldes en 1502, in-8. Parmi les très nombreuses éditions qui suivirent, signalons celle de Turnèbe (Paris, 1553 ; texte altéré, mais qui fit loi pendant plus de deux siècles), celle de H. Estienne (avec traduction latine ; Paris, 1568, gr. in-4 ; scolies), fréquemment reproduite durant deux siècles, celles de Fr.-Ph. Brunck (1788-89, 3 vol. in-8), de E. Wunder (Leipzig, 1831-78, 2 vol. in-8 ; commentaire estimé), de G. Dindorf (Oxford, 1860, 2 vol. in-8), de F.-W. Schneidewin (Berlin, 1880-88, 7 vol. in-8), d’Aug. Nauck (Berlin, 1868, gr. in-8), d’Ed. Tournier (Paris, 1876, gr. in-8), qui conserve, avec quelques corrections, le texte établi par Dindorf et adopté dans la bibliothèque Didot. Indiquons deux lexiques spéciaux, celui d’Ellendt (publié en 1826, revu et rajeuni par H. Genthe (Berlin, 1872, in-8), et celui de G. Dindorf (Leipzig, 1871, in-8).

Critique, lectures recommandées, traductions. Citons pour mémoire la thèse latine de Michelet (Berlin, 1830, in-4), les travaux déjà anciens, mais solides et agréables de F. Schultz (Berlin, 1836), Fr.-G. Welcker (Bonn, 1839, 3 vol.), Schœll (Francfort, 1842). Consulter aussi Otfried Müller, Alex. Pierron, A. et M. Croiset, Em. Burnouf (Hist. de la littérature grecque), Patin (Études sur les tragiques grecs), Saint-Marc-Girardin (Cours de littérature dramatique), Paul de Saint-Victor (les Deux Masques), H. Weil (Études sur le drame antique, chap. i et viii ; Paris, 1897, in-12), Paul Masqueray, Théorie des formes lyriques de la tragédie grecque (Paris, 1895, in-8). Trad. franç. entières par Artaud (1827), Em. Pessonneaux (1869), Talbot, Bellaguet (1879), Faguet (en vers). Traductions en vers d’Œdipe roi par P. Lacroix, d’Œdipe roi et d’Œdipe à Colone par Ph. Martinon (récentes). Pour plus ample information, feuilleter le répertoire de Preuss et Engelmann, et surtout celui de H. Genthe, Index commentationum Sophoclearum ; Berlin, 1874, in-8. — À l’heure actuelle, Sophocle a fourni matière d’étude à près d’un millier de volumes, et nous ne possédons pas la dixième partie de son œuvre !

SOPHOCLE le Jeune. Plusieurs écrivains sont mentionnés par les anciens sous le nom de Sophocle. La famille du grand Sophocle lui-même compte deux poètes distingués, son fils Iophon (Ἰοφῶν), qui fut très estimé d’Aristophane, et Sophocle le Jeune, petit-fils de l’illustre auteur d’Antigone, lequel fit un assez bon nombre de pièces et remporta dix ou douze prix. Sophocle (l’ancêtre) s’était marié deux fois : sa première femme était une Athénienne appelée Nicostraté, dont il avait eu Iophon. La seconde, suivant Athénée, était une courtisane sicyonienne nommée Théôris, pour laquelle, étant sur le retour de son âge, il conçut une vive passion, et dont il eut un autre fils, Ariston, père de Sophocle le Jeune, poète tragique également, qui, dit-on, mit à la scène l’Œdipe à Colone de son aïeul, quelques années après sa mort. Sophocle le Jeune, que le vieux poète chargé de gloire vit encore grandir et qu’il chérit d’une prédilection toute spéciale, eut peut-être du talent, mais nous l’ignorons. Et nous sommes autorisés à ne retenir de lui que son nom, car il ne nous est parvenu absolument aucun lambeau de son œuvre souvent couronnée.

Victor Glachant.

SOPHONIE (Zephania). Court écrit appartenant à la collection hébraïque des douze petits prophètes, classé entre Habacuc et Aggée. Le titre indique pour auteur un contemporain du roi Josias, fin du viie siècle avant notre ère. L’écrivain menace Jérusalem et Juda de la colère vengeresse de Yahvéh (Jéhovah), à cause de l’idolâtrie qui s’y pratiquait impudemment. Puis vient une pressante exhortation à rechercher les grâces divines, avant qu’il ne soit trop tard. Une ruine prochaine est suspendue sur les nations voisines, Philistins, Moabites, Assyriens, et la terrible destinée de ces peuples doit servir d’avertissement aux descendants de Jacob, jusqu’à ce jour épargnés. Puis le prophète revient à ses premières invectives et, par un brusque détour, ouvre la perspective d’un salut universel, en annonçant la conversion des païens et la restauration d’Israël. L’écrit émane-t-il réellement de la date indiquée ; aurait-il reçu des additions et des compléments ; serait-ce une œuvre librement composée aux temps du second temple, selon les règles de la pseudépigraphie ? Le défaut d’originalité de ce petit morceau, où se voient de nombreuses réminiscences des prophéties voisines, l’allusion à des idées et à des circonstances qui sont inexplicables avant la reconstitution du judaïsme en Palestine, nous paraissent plaider décidément en faveur de la dernière hypothèse.

M. Vernes.

Bibl. : À consulter les Introductions à la Bible (Ancien Testament). — Ed. Reuss, les Prophètes, dans la Bible (2e partie) ; Paris, 1876, t. I, pp. 361 et suiv. — Maurice Vernes, Examen de l’Authenticité des écrits prophétiques, dans Du prétendu polythéisme des Hébreux : Paris, 1891, t. II, pp. 374-75.

SOPHONISBE, fille d’Hasdrubal, général carthaginois. D’abord fiancée à Massinissa, elle fut ensuite donnée en mariage à un autre prince numide, Syphax. Syphax, qui avait promis son alliance à Scipion l’Africain, au moment où celui-ci préparait son expédition en Afrique (205 av. J.-C.), rompit alors avec Rome, sous l’influence de Sophonisbe, et prit le parti de Carthage. Massinissa, au contraire, se rapprocha des Romains, dont il avait été d’abord l’ennemi, et fut pour Scipion un auxiliaire très précieux. Deux ans plus tard, Syphax fut vaincu et pris par les Romains. Ce fut Massinissa qui s’empara de sa capitale Cirta ; parmi les prisonniers se trouvait Sophonisbe. Massinissa, qui en était toujours épris, se laissa toucher par ses supplications ; il l’épousa pour lui éviter la honte de tomber entre les mains des vainqueurs et d’être emmenée à Rome. Mais Scipion exigea que Sophonisbe lui fût livrée. Massinissa envoya alors à la malheureuse princesse une coupe de poison.

J. Toutain.

SOPHORA (Sophora L.). I. Botanique. — Genre de Légumineuses-Papilionacées, composé d’arbres et d’herbes des régions chaudes du globe, à feuilles alternes imparipennées, à fleurs réunies en grappes terminales ; le fruit est une gousse moniliforme, arrondie ou quadri-ailée, épaisse, indéhiscente ou ne s’ouvrant que partiellement et tard ; dans la section Styphonolobium elle est charnue ; graines descendantes, campylotropes, sans albumen ; embryon à