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STRASBOURG

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quels les Alemans disputaient l’Alsace, devinrent les maîtres de la localité renaissante, qui, après avoir été fortifiée, devint une ville royale sous la domination des rois mérovingiens. Le duc d’Alsace, Adalbert, fils d’Eticho, construisit la cour ou ferme royale (curtis regia) de Kônigshofen. C’était probablement le palatium regium qui pendant un temps servait de résidence à Childebert 11 et d’où les monarques carolingiens du ix siècle datèrent quelques uns de leurs diplômes. Malgré le titre de ville royale et tout en étant le siège d’un évèché, Strasbourg, à l’époque des premiers Carolingiens, n’était guère plus qu’une petite bourgade de 1.500 âmes à peine. La plupart de ses habitants s’adonnaient à l’agriculture : quelques-uns d’entre eux étaient commerçants et exportaient les produits du pays, le vin, le blé et le bois de chêne. Charlemagne favorisa le développement du commerce strasbourgeois en accordant, par un diplôme de 773, à toutes les personnes relevant du diocèse le droit de faire librement le négoce dans toutes les parties du royaume des Francs. Déjà à cette époque, l’église de Strasbourg était riche en terres, situées dans la Haute et la liasse Alsace ainsi que sur la rive droite du Rhin. Tout ce que les chroniques du moyen âge racontent de l’introduction du christianisme par saint Materne, disciple de l’apôtre Pierre, de la fondation de la cathédrale par Clovis I er , de saint Amand, évèque au iv e siècle, et de ses successeurs doit être relégué dans le domaine de la légende. H est possible que l’évèché ait déjà été fondé à l’époque gallo-romaine, vu que les frontières du diocèse coïncident exactement avec relies de la province romaine ; mais nous n’en savons rien ; l’existence de l’évèché n’a de certitude historique qu’à partir du vn e siècle. Dès cette époque, la ville, quoique placée sous la juridiction nominale des comtes, relevait de fait de ses évèquesqui, enrichis par les libéralités des monarques francs exerçaient une influence prépondérante sur la ville comme sur la Basse-Alsace.

Par le traité de Mersen.en 870, l’Alsace échut à Louis le Germanique qui, par un diplôme de 873, confirma toutes les immunités acquises antérieurement et accorda en même temps à l’évèque le droit de battre monnaie. En 923, l’Alsace fut définitivement réunie à l’Empire d’Allemagne. La politique des rois et empereurs de cetteépoque favorisa le pouvoir épiscopal. Déjà Ùtton II, par une lettreprivilège de 982, mit l’évèque Erchambaud à la tète du gouvernement intérieur de la ville. H lui conféra, ainsi qu’à ses successeurs, les attributions exercées par le comte. Désormais l’évèque est le souverain de Strasbourg. 11 réunit à sa dignité ecclésiastique celles de comte de l’Empire et de (premier magistrat de la cité en voie de prospérité. Sous la protection et la haute souveraineté de l’empereur, le gouvernement épiscopal était exercé d’une manière patriarcale, en ce sens que tous les bourgeois et tous les artisans étaient considérés comme faisant partie de la maison de l’évèque. Ils formaient sa familia, en d’autres termes, sa domesticité. Le corps des marchands avait à fournir vingt-quatre messagers, dont chacun était obligé de faire trois messages par an. La plupart des habitants étaient les fermiers de l’évèque et chacun était tenu de travailler cinq jours de l’année au service de la maison épiscopale. Le prévôt fournissait les bètes de lahmir et les outils de labourage. Les vicaires du prévôt avaient à supporter les frais de moissons. Enfin chaque corps de métier devait livrer une certaine quantité d’objets relatifs à sa profession. L’évèque avait sous ses ordresquatre hauts fonctionnaires : I°le prévôt, Schultheiss, juge des délits et des crimes, magistrat investi du droit de ban, c.-à-d. delà punition des criminels. Ce dernier droit, il le tenait non de l’évèque, mais du Blutvogt, avoué criminel, auquel l’empereur lui-même déléguait le droit du glaive ; 2 U le burgravequi nommait les chefs des corporations des métiers et prononçait sur leurs litiges et délits ; 3° le receveur des péages ; et 4° le maître de la monnaie qui jugeait les faux monnayeurs. Tous ces fonctionnaires, qu’on désignait du nom collectif de ministeriales, administraient la ville et les domaines du diocèse, et formaient la classe privilégiée. Rs constitueront plus tard l’aristocratie, les familles patriciennes, la petite noblesse de la ville. Aussi longtemps que Strasbourg fut une ville agricole, on ne fut guère mécontent de ce régime ; mais quand l’industrie commença à se développer et que les ministeriales furent devenus des seigneurs et les artisans des bourgeois aisés, les impôts en nature et les prestations se firent sentir comme des charges onéreuses. On éprouva le besoin de s’en affranchir ou au moins de les convertir en redevances en argent. Les empereurs ne tardèrent point à satisfaire ce besoin. C’est ainsi que l’empereur Henri V, par un diplôme de 1119, affranchit la ville de l’impôt du vin, perçu par le lise épiscopal. D’autres privilèges de même nature furent successivement accordés. H y avait eu un changement dans la politique des empereurs. Ils avaient tout intérêt à favoriser l’autonomie des villes au détriment du pouvoir épiscopal. C’est de cette époque également, ainsi de la premièremoitié du xn° siècle et non du x’, comme plusieurs savants le prétendaient, qu’il faut dater la première charte municipale de Strasbourg. Elle marque un pas immense dans l’autonomie de la ville et dans l’administration de la justice locale. Ce code restreignit surtout les attributions du prévôt qui était chargé de la juridiction civile sur tous les citoyens de la ville, et institua une sorte de jury, composé de douze membres, librement élus par leurs concitoyens. Ce tribunal devait prononcer ses jugements, non d’après le droit commun du pays, mais en se conformant aux droits municipaux consignés dans la charte.

On peut dire qu’une ère nouvelle commença avec le xni c siècle. Strasbourg, déclaré ville libre immédiate par un diplôme de Philippe de Souabe du 10 juil. 1201, s’affranchit peu à peu du joug épiscopal. Ce n’étaient point en première ligne les bourgeois et les marchands qui faisaient de l’opposition, c’étaient plutôt les fonctionnaires épiscopaux, les ministeriales qui formaient le noyau des familles patriciennes. C’est surtout à eux qu’il faut attribuer la rédaction de la seconde charte municipale qui entra en vigueur vers 1219. Ce nouveau code institua une espèce de conseil municipal, un Sénat (consilium, concilies), qui se composait de douze membres, dont les uns étaient des fonctionnairesépiscopaux, c.-à-d. des nobles, et les autres des bourgeois. Présidé par un magister civium, il administrait la ville et rendait justice. A côté de ce Sénat on créa un collège d’échevins (scabini) qui représentait la bourgeoisie et qui à certaines occasions pouvait prendre part aux délibérations du Sénat. Ces derniers enfin surveillaient et réglementaient les affaires commerciales et industrielles, les foires et la navigation. Des évêques de nature pacifique, comme Henri de Vehringen et Henri de Stahleck, ne soupçonnaient pas que cette nouvelle institution pût porter préjudice à leur pouvoir temporel. Ils vivaient en bonne intelligence avec ce Sénat qui comptait parmi ses membres la plupart des hauts fonctionnaires de l’évèché. Mais un conflit devint inévitable quand le siège épiscopal fut occupé par un homme irascible et un prélat batailleur comme Wallher de Geroldseck. Secondé parla haute noblesse du pays, Walther fit tout pour exaspérer la ville et pour anéantir ses libertés municipales ; il mit la ville récalcitrante sousl’interdit, réunit des troupes et commença la guerre. La ville, de son côte, se préparant à toute éventualité, se ligua avec les villes de Râle et de Colmar et offrit la capitainerie à Rodolpbe de Habsbourg. Lue rencontre eut lieu le 8 mars 1262 prés du vil lage d’Oberhausbergen. L’armée des nobles et des épiscopaux essuya une sanglante défaite. L’évèque lui-même eut deux chevaux tués sous lui. Son frère Hermann, le préfet d’Alsace et 70 chevaliers tombèrent et près de 90 nobles furent faits prisonniers. Walther mourut l’année suivante. Ce n’est que sous Henri de Geroldseck, son successeur, que la paix fut conclue à la satisfaction de la ville. Rodolphe