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PIERRE QUI ROULE

ces oasis, s’élève à quelque distance de Séville. Quand vient l’époque des fêtes de la Giralda, qui se célèbrent chaque année dans cette ville, la fontaine del Pueblo est fréquentée par tous les marchands forains, piétons, saltimbanques, pipeurs de dés, étudiants, qui vont chercher fortune, et troubler l’eau des citadins pour y pêcher plus à leur aise.

Arrêtez-vous un moment devant cette champêtre Cour des Miracles ; prêtez l’oreille à la conversation de ces cinq ou six compagnons assis sur l’herbe ; elle doit être intéressante, à en juger par leur costume délabré et par leur physionomie originale.

— Parbleu, camarades, disait l’un des étrangers, puisque l’heure de la sieste est passée, et que par des raisons particulières nous désirons n’entrer dans la ville qu’à la nuit, que chacun de nous raconte aux autres son histoire ; cela nous aidera à passer le temps, et à regarder nos misères d’un œil plus philosophique. Si vous acceptez ma proposition, je donnerai l’exemple.

Celui qui parlait ainsi était un petit vieillard sec et maigre, à l’œil gris, à la physionomie burlesque ; son costume offrait un bizarre mélange de toutes les professions.

Ses compagnons n’étaient pas gens, comme on le verra par la suite, à refuser une telle offre ; on lui donna la parole avec empressement, et il commença en ces termes :

— Tel que vous me voyez, mes chers gentilshommes, je suis un personnage ; j’ai composé trois cents autos sacramentales, sans compter les comedias famosas. Mon nom a dû voler jusqu’à vous. Je suis le célèbre Miguel Zapata !