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METS TON MANTEAU

— Que diable faites-vous là, mon cher ? lui dit-il en retenant son cheval empêtré dans les terres labourées.

— Eh ! mais, j’essaie deux extirpateurs de nouvelle invention. L’expérience a réussi ; je crois que je les adopterai.

— Quoi ! vous vous êtes fait agronome ?

— C’est la nécessité qui l’a voulu ; elle a parlé, et je me suis souvenu de Cincinnatus, répondit Paul. Faites place à mes bœufs, s’il vous plaît ; la chasse ne doit pas déranger l’agriculture.

L’oncle ne laissa pas longtemps son neveu dans la ferme. Jugeant de sa dextérité et de son jugement par ce qu’il avait fait au Brésil et ce qu’il faisait à la ferme, il le fit venir auprès de lui, à Rouen, et le mit à la tête de sa maison, en attendant que son fils aîné fût en âge de la diriger.

Un des amis de Paul, que le désœuvrement conduisait au Hâvre, passa par Rouen. La première personne qu’il rencontra sur le quai, ce fut Paul, un carnet à la main, surveillant le déchargement d’un navire ; autour de lui s’élevaient des barricades de caisses et de tonneaux. Le Parisien eut quelque peine à reconnaître le dandy. Paul avait coupé sa barbe et taillé ses cheveux ; un bout de plume passait entre sa tempe et son oreille ; sa toilette était propre, mais sentait la Normandie d’une lieue. Paul vit un sourire sur les lèvres du touriste.

— Parbleu ! lui dit-il, si tu veux te moquer de moi, ne te gêne pas ; je t’abandonne le négociant, le commerce n’a pas d’amour-propre.

L’oncle normand armait chaque année un ou deux baleiniers. Paul avait montré tant d’aptitude et de zèle, que