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Z’AFFAI CABRIS

Pardonne, Manon : je crus un instant que c’était toi ; mon sang bouillonnait déjà dans mes veines, quand cette jolie personne se leva pour accourir au-devant de moi, et ne m’offrit qu’un visage inconnu :

— Mon cousin, me dit-elle, je n’ignore pas que je suis pour beaucoup dans le mauvais parti que vous avez pris et qui désolait notre famille. Je me suis crue obligée de réparer le mal que j’avais fait sans le vouloir ; et j’y suis parvenue grâce à la générosité de monsieur votre colonel. Cédant à mes instances, il m’a rendu ce papier que je vous rends à mon tour, en vous priant de ne pas me forcer à vous racheter une seconde fois.

Pendant ce discours, où je ne comprenais goutte, et qui égayait visiblement le colonel, j’ai dû faire une mine des plus hébétées et des plus tristes. Aussi, ma cousine m’a-t-elle tourné le dos avec un sourire de pitié, tandis que le marquis me congédiait, ce qu’il a fait de très-bonne grâce, en me reconduisant jusqu’à la pièce voisine. Là il m’a dit à demi-voix :

— Ne vous désolez point trop, Monsieur. Vous êtes plus aimé que moi. Cela suffit pour que je ne sois pas longtemps votre rival. Ne m’en veuillez pas d’avoir profité de mes avantages, et, en échange de la liberté que je vous rends, laissez-moi espérer de vous un léger service.

Madame votre mère et la marquise m’avaient demandé sans l’obtenir ce que j’accorde à mademoiselle votre cousine… Ceci tient uniquement, je vous prie de le croire, au talent avec lequel cette aimable personne rédige ses placets et fait valoir les causes dont elle se charge… Mais comme ma complaisance pour elle serait peut-être mal interprétée,