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AIME MON CHIEN.

un marchand de chiens du boulevard Beaumarchais, dans la boutique duquel le maître actuel l’avait sans doute trouvé.

— Eh bien ! puisqu’elle le veut, nous plaiderons ! s’écria Auvray quand j’eus achevé de lire l’assignation ; mais ils m’arracheront l’âme plutôt que de m’arracher Murph !

— Oui, nous plaiderons ! m’écriai-je en m’associant à son transport ; et je ne pus m’empêcher de songer aux plaidoiries de Petit-Jean et de l’Intimé ; mais je me gardai bien de laisser paraître sur mes traits le moindre symptôme facétieux.

— Ce qu’il y a de pis, ajouta Auvray, c’est qu’on exigera sans doute que Murph paraisse en justice, et le médecin a expressément défendu qu’on l’exposât au grand air ; il est horriblement enrhumé du cerv…, du museau…

Pour calmer ses inquiétudes, je m’engageai à voir moi-même cette marquise de Saint-Azor, et à faire tous mes efforts pour arranger l’affaire à l’amiable. J’eus le bonheur de réussir dans ma négociation diplomatique, et je revins annoncer à Auvray que l’ancienne maîtresse, ou plutôt l’ancienne esclave de Murph dit Fortuné (c’était le langage de la marquise), consentait à couper le différend par la moitié.

— Couper Murph en deux ? interrompit Auvray ; mais c’est donc le jugement de Salomon !

— Non, lui dis-je, vous conserverez Murph tant qu’il voudra ; mais madame de Saint-Azor exige que, lorsque le chien ira visiter le royaume des ombres, vous lui remettiez son corps… Elle veut le faire gannaliser

— Gannaliser ! reprit Auvray, Murph ! N’importe, j’y consens ; qu’on dresse l’acte, je le signerai puisqu’il faut