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SON CIERGE.

— Ah ! je le vois, s’écria Hang-Hong attendri, vous comprenez la poésie fugitive. Hélas ! le nombre de ses fidèles décroît tous les jours !

— Je sais qu’il est des imbéciles qui se moquent du madrigal et du couplet ; mais leurs railleries ne prévaudront pas ; déjà une réaction se manifeste en faveur de la poésie fugitive ; l’académie devrait s’y associer en me nommant à la place de feu Hiu-Li ; à mes yeux, il n’y a pas d’autre poésie que la poésie fugitive.

— Votre nom ?

— Fi-Ki, rédacteur de la Revue de Pékin, qui deviendra l’organe de la réaction fugitive.

— C’est bien. Comptez sur ma voix.

Décidément, pensa Fi-Ki, ma manière de solliciter est la meilleure ; voilà ma candidature en bon chemin. Allons maintenant chez Nung-Po.

À cette époque, l’académie chinoise était divisée en deux camps bien distincts : les classiques et les romantiques.

Nung-Po représentait la tradition ; il avait fait jouer dans sa jeunesse une tragédie, et il mettait en ce moment la dernière main à un poëme en trente-quatre chants, intitulé la Kong-Fu-Tzéide. Il avait à cœur de répondre aux littérateurs étrangers qui reprochaient à la Chine de n’avoir pas de poëme épique. Nung-Po recommençait pour la vingtième fois l’indispensable invocation à la muse, lorsqu’on lui annonça que M. Fi-Ki, rédacteur de la Revue de Pékin, demandait à le voir.

C’est un journaliste, se dit Nung-Po, qui était prudent comme tous les tragiques ; qu’il entre.

— Que l’illustre Nung-Po me pardonne de troubler ses