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QUAND TU ES PRESSÉ.

entraîné dans la chute d’un cabinet avec lequel on connaissait ses relations intimes, le duc fut chargé par le roi du poids des affaires. Il ne l’accepta que sur l’ordre impératif du souverain, et après s’en être longtemps défendu. M. de T. resta près de lui, et s’occupa de réunir quelques jeunes gens habiles et discrets pour le travail confidentiel du cabinet.

L’un d’eux montra bientôt une grande aptitude ; sa correspondance était irréprochable, et ses rapports témoignaient d’une rare intelligence des matières diplomatiques. Cependant un matin, M. de T. apprit que le jeune secrétaire avait été congédié la veille par M. de P.

— Avait-il commis quelque indiscrétion ? lui demandat-il.

— Non pas.

— S’était-il trompé dans un travail important ?

— Point.

— Avait-on quelque crainte sur sa moralité ?

— Aucunement.

— Mais qu’a-t-il donc fait ? s’écria entin M. de T.

— Il avait trop de zèle.

Avant le terme de sa carrière le duc de P. avait occupé les emplois les plus considérables et obtenu les dignités les plus enviées ; on l’avait vu tour à tour lieutenant de police, surintendant des finances, grand-écuyer, ministre, ambassadeur ; il était décoré des ordres de Sa Majesté, et tous les monarques de l’Europe se plaisaient à le couvrir de croix et de colliers.

Quand M. de P. paraissait à la cour, ses moindres paroles étaient recueillies avec un soin extrême et commen-