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À CAUSE DES BRANCHES.

qu’en actions, — mangeait-il les nobles et leurs petits ; — bragard et vantard qui semblait aux malavisés un vrai tigre d’Hyrcanie, un Satanas à quatre cornes, un ramasseur de gens abandonnés, plus terrible cinquante fois que le Romain Spartacus.

Geoffroy Thibie, tout au rebours, guerroyait tranquillement et sans tapage, esgorgillant à la doucette, ardant un manoir en tapinois, escoffiant un gendarme, sur toutes choses garnissant ses poches, et n’en disant mot ; tout honteux et changeant de brigade quand on menaçait, sur sa réputation malgré lui croissante, de l’élire pour capitaine.

Dans un carrefour de forêt, par une noire nuit, en face d’une rôtissoire où brûlait à petit feu le sire de Pecquigny, vingt mille truands et plus, brandillant leurs bâtons à deux bouts et leurs broches sanglantes, poussèrent une grande clameur qui fit un roi. Ce roi des Jacques — belle royauté, n’est-ce pas ? — fut Guillaume Caillet, couronné sous le nom de Jacques Bonhomme, premier et dernier de sa race. Il eut une marmite renversée pour trône, un caparaçon pour manteau royal, et pour sceptre une cognée de bûcheron. Des sujets à l’avenant, comme on peut penser.

Geoffroy Thibie regardait sans la moindre envie, et sans en être émerveillé, le sacre de son ami. Le nouveau roi le fit chercher pour boire avec lui quelques verres de cervoise, et peut-être avec l’intention de le nommer premier ministre ; mais l’autre était allé se cacher dans une grange en murmurant son refrain accoutumé :

Bon fait voler bas à cause des branches.