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AVEC LE FEU.

— Non, je ne vous en veux pas, ajouta-t-elle d’un ton sardonique ; au contraire, monsieur Télémaque Saint-Preux, vous me plaisez infiniment ; car je n’ai jamais vu de coiffeur plus divertissant que vous.

— Qu’entends-je, Madame ! Est-ce ainsi que vous recevez l’aveu de mes sentiments les plus tendres ! Cependant, vous ne le nierez pas, j’ai eu le secret de vous émouvoir ; votre son de voix, votre maintien, tout annonçait…

— Comment n’avez-vous pas vu que je me moquais de vous ?

— Il se pourrait ! Et moi, qui croyais… que du moins… un peu de pitié… Adieu, Madame, adieu, je ne survivrai pas à une pareille déception ; dans un instant, je n’existerai plus.

Sa figure était à la fois si belle et si désespérée lorsqu’il prononça ces derniers mots, que l’âme la plus froide n’eût pu s’empêcher de s’intéresser à lui. Il s’élança hors de la chambre, et par un mouvement dont elle ne fut pas la maîtresse, la comtesse lui cria :

— Arrêtez, malheureux ! Revenez, je vous l’ordonne. Je veux vous calmer, vous avouer que…

Mais il était déjà hors du salon, et bien qu’il eût certainement entendu sa voix, il ne voulut pas se retourner.

Elle rentra dans sa chambre et se laissa tomber dans un fauteuil. Elle agita la sonnette, Rosalie parut :

— Courez après ce garçon qui vient de sortir, dites-lui qu’il remonte sur-le-champ, que j’ai un ordre à lui donner.

Rosalie sortit aussitôt, et lorsqu’elle reparut :

— Madame, le coiffeur était déjà dans la rue, il s’est