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QU’IL ARRIVE DES PARRAINS.

— Mes enfants, leur répondait-il, jouez vos rôles comme si vous les saviez par cœur ; occupez-vous de rendre ce que vous avez tous les jours sous les yeux, de copier les gestes et la démarche de ceux que vous voudrez imiter : une fois en scène, les paroles ne vous manqueront pas. Nos aïeux et bisaïeux les Arlequin, les Pulcinella, les Pantalon, les Covielle et les Scaramouche, ne jouaient jamais la comédie autrement, et ils n’en étaient pas plus mauvais pour cela. La preuve, c’est que nous vivons encore aujourd’hui sur leur réputation et sur leurs masques.

À force de zèle et d’activité, la pièce fut prête au bout de trois jours. Les poètes de la conjuration prétendaient que personne ne se dérangerait pour assister à la première représentation du Triomphe des Masques. Mais ils purent se convaincre que les poètes ne sont pas toujours d’infaillibles oracles.

Chacun était curieux de voir une pièce que l’on disait avoir été composée par le directeur Geronimo Passavanti. L’affluence fut telle, qu’il ne fallait rien moins qu’une salle aussi solide que celle de San-Carlino, pour ne pas s’écrouler sous le poids des spectateurs.

Dès les premières scènes, les poètes qui occupaient toute une banquette du parterre furent fort étonnés de voir que les acteurs entraient, sortaient, parlaient absolument comme si leur rôle eût été tracé d’avance. Souvent même, les saillies naissaient avec tant d’à-propos, le dialogue se parsemait de lui-même de traits si comiques et si neufs, que la salle tout entière éclatait en applaudissements. La pièce avait trois actes ; le premier venait de finir, et l’auteur prétendu, Geronimo Passavanti, rappelé plusieurs fois sur