trésors ; et me voilà forcé de dissimuler ma richesse, comme je cacherais un vice honteux. Glorieux ancêtres, me pardonnerez-vous ce mensonge nécessaire pour sauver l’héritage de ma famille ? Mais quel est ce bruit ?
(Entre don Alvar de Benavidès.)
— Oui êtes-vous ?
Don Alvar. — Un malheureux qui n’a d’espoir qu’en vous.
Don Manrique. — Est-il courtois de s’introduire chez les gens par-dessus les murailles ?
Don Alvar. — Pardonnez-moi, noble seigneur, j’étais poursuivi… Mais d’abord, personne ne nous écoute ?
Don Manrique. — Personne. Vous pouvez parler.
Don Alvar. — Vous savez quelle est la rigueur des édits portés contre le duel ; et vous savez aussi ce que veulent les lois de l’honneur. L’honneur est un diamant, mais un souffle peut le consumer ; un souffle, c’est-à-dire un mot, peut ternir son éclat, plus pur que celui du soleil. Or, jugez de ma disgrâce. Je rendais quelques soins à une noble dame, qu’il est inutile de nommer ; j’eus bientôt la joie d’être distingué par elle. Cependant j’avais un rival présomptueux dans sa conduite et téméraire dans ses paroles. Tout à l’heure, sur le port où nous étions tous deux dans un groupe d’officiers, cette dame vint à passer. Sa démarche gracieuse attirant tous les regards et lui gagnant tous les cœurs, un capitaine dit :
— Voilà une belle femme.
— À quoi mon rival ajouta :
— Le caractère est à l’avenant.
— Serait-elle cruelle ? demanda l’autre.
— Non, répliqua-t-il ; mais les belles manquent en général de jugement, et celle-